Hier matin, longue marche de la passerelle entre Deux Villes jusqu’à l’écluse de Raonel. Deux heures d’efforts physiques et de quiétude morale. Ou plutôt de distance intellectuelle avec le bruit et le désordre « mondain ».
9h 30 chez E… Je m’installe dans un coin de la salle, face au comptoir, et commande un café – la spécialité de la maison ! Seul à ma table, l’autre déserte, j’occupe toutce petit espace avec un léger sentiment de béatitude – à 8h 30, j’étais dans le fauteuil d’un dentiste ! Arrive un couple de « retraités ». Ils s’installent à ma droite. Lui sur la banquette, elle sur une chaise. Les effluves agressifs d’un parfum bon marché cassent aussitôt les goûteux arômes des graines ici torréfiées, plombent son apaisante ambiance.
« Lui », manifestement taiseux, se tait. « Elle », indubitablement bavarde, commente un journal: « Aujourd’hui en France » ! On dirait qu’elle parle dans unvieux micro déréglé. Les aigus montent et descendent sur un rythme syncopé. Un véritable supplice !
« Ils ont joué à huis clos. Tu as vu ? Ça veut dire quoi… La femme qui a misle feu. Tu as vu ? Ça veut dire quoi… Le petit-fils d’Alain Delon. Tu as vu ça ? C’estson fils… Il l’a eu à quel âge son fils Alain ? Tu as vu ça ?… La banque, elle bloque la carte…èèèhhh ! Tu as vu ?… C’est ça qu’ils sont allés voir… èèèhhh !… J’aime pas rester assise. Ça ne m’intéresse pas… èèèhhh ! C’est calme ici… Tu as vu ça ? èèèhhh ! »Lui : « Oui, c’est calme… »
Je sors à cet instant précis. Quel ciel ! Quelle beauté ! Les amandiers sont certainement en fleurs…
Hier, 19 heures au Monoprix de la place de l’Hôtel de Ville. Dans une des travées, un grand et large gaillard achalandant ses gondoles. Il me tourne le dos, et, tout à son affairement, occupant tout l’espace, fait obstacle à mon déplacement.
Chaque soir, à la même heure, des boutiquiers pressés du centre ville entassent leurs « encombrants » – cartons, cintres, boîtes, papiers… – sur des trottoirs devenus en partie impraticables, jusqu’à ce que les servants des « camions poubelles » de l’entreprise assurant ce service de déblaiement rendent enfin aux piétons leur pouvoir d’en user sans obstacles.
Louis Privat, le patron des « Grands Buffets » n’est jamais à court d’idées – il ne fait jamais rien comme personne ! Surtout quand il s’agit de promouvoir l’art contemporain et les artistes qu’il affectionne.Et qu’il fait, à sa manière, dans des lieux ou des conditions originales, comme autant de « performances ». En 2008, déjà, il demandait à Patrick Chappert-Gaujal, de travailler le métal et d’investir les cuisines de son restaurant de l’Espace de Liberté pour y faire entrer de la lumière et de la beauté. Un « geste » artistiquement, techniquement et professionnellement osé. Et parfaitement réussi ! D’autres artistes suivirent et non des moindres, comme le sétois Di Rosa et ses bronzes, autour de ses fontaines… De sorte que son restaurant est devenu aussi, au fil du temps et des ses « coups de coeur », une « galerie » d’un type particulier, sans finalité marchande, dont l’objet estde redonner à l’art sa fonction ornementale ; de le mettre au contact des publics les plus divers.