Trois croquis pris sur le marché de Gruissan…

 

 

 

Me.12.7.2023

Au marché de Gruissan village !

Il est grand et massif. Et à demi chauve. Le visage pâle, fermé, il attend le client. Impassible. Sur son tee shirt blanc, tendu, il arbore un énorme Christ en croix qui semble reposer sur son abdomen. Une large banderole sur le côté vante ses matelas. Pour des nuits de rêve et des levers du bon pied !

Pas très loin, l’étal de mon marchand de fruits et légumes. Ceux de son jardin : aubergines, tomates, melons… Il est petit, sec ; et brun de poils et de peau : il se lève tôt, vit et travaille au soleil. Quand il parle, il montre une bouche sans dent. Et baragouine un français truffé d’espagnol. Comme mon grand père ! Il s’appelle Delacruz ! « De…La…Cruz ! », de Murcia, insiste-t-il.

De la terrasse de la boulangerie-pâtisserie Bertrand, j’aperçois une dame pressée aux cheveux rouges fluo. La soixantaine largement passée. Sur son épaule gauche, un long dauphin tatoué. Et à son bras un grand sac en plastique bleue siglé « Carrefour » sur lequel on peut lire : « Vivre d’amour et de poissons frais » !

 

 

Luz Casal au théâtre de la nature à Narbonne-Plage…

Ve.7.7.2023

 

 

 

 

Elle a traversé la scène du splendide théâtre « grec » de Narbonne-Plage sous un flot de lumière bleue. D’un bleu doux comme une nuit de juillet sous un ciel andalou. Derrière elle, la falaise nue de la Clape était sublimée par le chatoiement de ces brillances veloutées. Arrivée au bord de la rampe, devant un public nombreux et conquis à l’avance, elle a déployé son magnifique caftan bleu, les bras tendus vers un ciel menaçant. C’est ainsi, dévoilée, son corps pris au plus près dans une combinaison bleue elle aussi, que les premiers mots et premiers rythmes aux accents espagnols se sont fait entendre. La soirée serait bleue et Luz Casal serait reine. La reine d’un soir tissé de paroles et de notes emplies de nostalgie, de souvenirs, d’amour, de regrets aussi. Une reine qui, avec sa belle voix de contralto, chantait merveilleusement ses « gracias a la vidad ». Une pluie fine et chaude est tombée précisément au moment où elle s’est lancée dans l’inévitable « piensa en mí ». Les gradins sont cependant restés stoïques et silencieux. Il y avait quelque chose de miraculeux dans cet instant, songeai-je. C’était en effet la fin du concert. Quelques gouttes d’eau pure perlaient sur nos visages…

 

 

Tentazione !

   
Ma.4.7.2023
 
Seize heures sur la plage mollement ventée. Le monde est en retrait. Des vagues, on n’entend qu’un bruit lent et régulier. Une hirondelle de mer plonge en piqué. Puis remonte lentement dans la lumière du soir. Avec sa proie. Et poursuit sa route le long du rivage. Comme une idée sur un fil de pensées. Qui trouve enfin sa trajectoire.
19 heures 30 au Tentazione*. Nico a parcouru toutes les mers du globe dans les cuisines des plus beaux yachts du monde. Il fait aujourd’hui les plus belles pizzas de la côte. La Parma est celle que je préfère. La mozzarella est délicieusement fraîche et le jambon excellemment affiné. Nico est un artiste qui prépare lui-même la pâte de ces merveilles. Ce soir, la mienne était comme d’habitude d’une incomparable légèreté. J’ai choisi le petit vin blanc muscaté au pichet, franc et frais, de la cave de Gruissan pour l’accompagner. Il n’a pas démérité, loin de là. Ah ! La voix slave, profonde et envoutante de Mila, sa compagne, à l’accueil…
 
*10 Av. des Noctambules, 11430 Gruissan
 
 
 

Une carte postale de Gruissan…

 
 
 
 
 
 
 
 
Lu.26.6.2023
 
Carte postale !
 
Lundi au marché de Gruissan. Dans le vieux village. Il est 10 heures. Il fait chaud. Très chaud. Assis à la terrasse de la boulangerie pâtisseries Bertrand, à l’ombre, j’attends mon café. À ma droite, un couple de retraités allemands. Lourds ! Sous la chaise de la dame, un petit chien blanc. Allongé, il tire la langue et respire bruyamment. Puis sursaute en grognant. L’épaule grasse de Monsieur montre un tatouage. Sa copie figure sur la cheville disgracieuse de Madame. Ils se font face. Sur la table, deux grandes tasses, un pot de lait en métal, une corbeille pleine de viennoiseries. Ils mangent de bon appétit. Méthodiquement. En silence.
Une queue se forme devant l’entrée de la boulangerie. À l’allure, au style et au poids on devine des touristes. Jeunes ou vieux, ils exposent les mêmes dessins sur leurs corps. Plus ou moins bleus, plus ou moins noirs. Des orteils jusqu’aux oreilles. Des signes de reconnaissance, d’identité, qui finalement les font tous pareils.
Une voix, derrière moi, se fait entendre. Une voix de femme qui téléphone. Dans des tons aigus qui agressent. Elle surjoue la vacancière : Il fait beau, ici… Mais quel vent… Ah bon, il pleut chez toi… Ah ! Ah ! Toutes les robes sont à 15€… Elles sont toutes longues… Gros bisous ! Tchao ! Tchao ! On devine sa joie à l’envi qu’elle provoque à l’autre bout du « fil ». Je me retourne. De grands verres noirs cachent ses yeux. Ses traits ont été tirés par des mains expertes. Trop ! Et ses lèvres sont boudinées. De sa main gauche elle soulève gracieusement ses cheveux décolorés. Une main qui trahit son âge. Une minauderie touchante. Je lui souris.
 
 

 

Me promenant sur les Barques de Cité, j’aperçois de loin un corps déformé, affaissé sur un banc.

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Sa.24.6.2023
 
Me promenant sur les Barques de Cité, j’aperçois de loin un corps déformé, affaissé sur un banc. In petto et toujours à cette distance, mon esprit traduit : encore un traîne-misère en train de cuver.

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