Actualité de Chateaubriand.

 

 

Mes pages :

Celle ci, de Chateaubriand. Qui n’est pas sans résonances avec l’actualité…

 

« Paris, décembre 1821. Société. – Aspect de Paris.

Lorsqu’avant la Révolution, je lisais l’histoire des troubles publics chez divers peuples, je ne concevais pas comment on avait pu vivre en ces temps-là ; je m’étonnais que Montaigne écrivît si gaillardement dans un château dont il ne pouvait faire le tour sans courir le risque d’être enlevé par des bandes de ligueurs ou de protestants. La Révolution m’a fait comprendre cette possibilité d’existence. Les moments de crise produisent un redoublement de vie chez les hommes. Dans une société qui se dissout et se recompose, la lutte des deux génies, le choc du passé et de l’avenir, le mélange des mœurs anciennes et des mœurs nouvelles, forment une combinaison transitoire qui ne laisse pas un moment d’ennui. Les passions et les caractères en liberté, se montrent avec une énergie qu’ils n’ont point dans la cité bien réglée. L’infraction des lois, l’affranchissement des devoirs, des usages et des bienséances, les périls même ajoutent à l’intérêt de ce désordre. Le genre humain en vacances se promène dans la rue, débarrassé de ses pédagogues rentré pour un moment dans l’état de nature, et ne recommençant à sentir la nécessité du frein social, que lorsqu’il porte le joug des nouveaux tyrans enfantés par la licence. »

 

Trois leçons de Gracian.

 

 

 

 

 

Trois leçons de B. Gracian prises dans  » L’homme de cour « 

 

 

 

La conversation familière doit servir d’école d’érudition et de politesse. De ses amis, il en faut faire ses maîtres, assaisonnant le plaisir de converser de l’utilité d’apprendre. Entre les gens d’esprit la jouissance est réciproque. Ceux qui parlent sont payés de l’applaudissement qu’on donne à ce qu’ils disent ; et ceux qui écoutent, du profit qu’ils en reçoivent. Notre intérêt propre nous porte à converser. L’homme d’entendement fréquente les bons courtisans, dont les maisons sont plutôt les théâtres de l’héroïsme que les palais de la vanité. Il y a des hommes qui, outre qu’ils sont eux-mêmes des oracles qui instruisent autrui par leur exemple, ont encore ce bonheur que leur cortège est une académie de prudence et de politesse.

 

Il n’y a point de beauté sans aide, ni de perfection qui ne donne dans le barbarisme, si l’art n’y met la main. L’art corrige ce qui est mauvais, et perfectionne ce qui est bon. D’ordinaire, la nature nous épargne le meilleur, afin que nous ayons recours à l’art. Sans l’art, le meilleur naturel est en friche ; et, quelque grands que soient les talents d’un homme, ce ne sont que des demi-talents, s’ils ne sont pas cultivés. Sans l’art, l’homme ne fait rien comme il faut, et est grossier en tout ce qu’il fait.

 

C’est faire en homme sage de ne parler jamais en superlatifs, car cette manière de parler blesse toujours, ou la vérité, ou la prudence. Les exagérations sont autant de prostitutions de la réputation, en ce qu’elles découvrent la petitesse de l’entendement et le mauvais goût de celui qui parle. Les louanges excessives réveillent la curiosité et aiguillonnent l’envie ; de sorte que, si le mérite ne correspond pas au prix qu’on lui a donné, comme il arrive d’ordinaire, l’opinion commune se révolte contre la tromperie, et tourne le flatteur et le flatté en ridicule. C’est pourquoi l’homme prudent va bride en main, et aime mieux pécher par le trop peu que par le trop. L’excellence est rare, et, par conséquent, il faut mesurer son estime. L’exagération est une sorte de mensonge ; à exagérer, on se fait passer pour homme de mauvais goût et, qui pis est, pour homme de peu d’entendement

L’anti spectacle kundérien.

 

 

Mes pages:

 

  

Parmi toutes celles lues cette dernière fin de semaine (peu, en vérité!), ce passage d’un article de J.P Enthoven sur Milan Kundera . Un Milan Kundera qui vient d’entrer dans l’illustre Bibliothèque de la Pléiade. Quasi invisible, on le célèbre partout, mais en son absence. Comme on le comprend!

 

« Toujours il sut se défier de la manie moderne, voire sentimentale, de travestir le réel en une vision extatique et idyllique du monde – mais l’Occident, qui l’accueillit bientôt et le fêta, ne l’entendait pas de la sorte : le Grand Spectacle avait besoin d’un romancier dissident, équipé de la panoplie martyrologique qui va avec. Énorme méprise : Aragon préfaça La plaisanterie (se dédouanant ainsi de son vieux stalinisme) et les gazettes transformèrent le deuxième coup de Prague en inaugural coup de pub. Résultat : Kundera eut du succès, mais on décida de le lire comme un auteur politique- ce qu’il n’était guère.

 

 

Pour lui, un romancier n’a pas à être enraciné dans son pays ni dans une idéologie, mais dans des thèmes existentiels qu’il fait varier à l’infini. C’est un anatomiste des passions humaines en pleine possession de sa lucidité critique et sexuelle. D’où le programme kundérien : non au pathétique, au « Bien », au « Mal », à l’illusion lyrique, au tragique et à tous ces trucs qui font vibrer ; oui à la composition, à la fragmentation, à la bifurcation ; oui à l’étude du « décalage » entre ce que l’on croit savoir de soi et ce que l’on est en réalité. Ce faisant, il avait bien l’intention de revenir à la « première mi-temps » de l’histoire du roman (Rabelais, Cervantès…) en l’augmentant de ce que d’autres (Broch, Kafka…) y avaient ajouté en seconde mi-temps. Ses livres, bien sûr, sont fidèles à cette feuille de route : ils grincent, l’émotion y circule moins que l’intelligence, le dérisoire y règne sans partage. Ces machines, bâties comme des partitions où les thèmes s’enlacent et se répondent, sont irrécupérables pour la « dissidence », pour le parti, pour la nation. »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Une lettre persane.

 

Mes pages : Cette lettre persane de Montesquieu… Sans commentaires tant elle se suffit à elle-même :

 

 

                                               LETTRE CI.

RICA AU MEME.

    Je te parlais l’autre jour de l’inconstance prodigieuse des Français sur leurs modes. Cependant il est inconcevable à quel point ils en sont entêtés: c’est la règle avec laquelle ils jugent de tout ce qui se fait chez les autres nations; ils y rappellent tout; ce qui est étranger leur parait toujours ridicule. Je t’avoue que je ne saurais guères ajuster cette fureur pour leurs costumes avec l’inconstance avec laquelle ils en changent tous les jours.
    Quand je te dis qu’ils méprisent tout ce qui est étranger, je ne te parle que des bagatelles; car, sur les choses importantes, ils semblent s’être méfiés d’eux-mêmes jusqu’à se dégrader. Ils avouent de bon coeur que les autres peuples sont plus sages, pourvu qu’on convienne qu’ils sont mieux vêtus: ils veulent bien s’assujettir aux lois d’une nation rivale, pourvu que les perruquiers français décident en législateurs sur la forme des perruques étrangères. Rien ne leur parait si beau que de voir le goût de leurs cuisiniers régner du septentrion au midi, et les ordonnances de leurs coiffeuses portées dans toutes les toilettes de l’Europe.
    Avec ces nobles avantages, que leur importe que le bon sens leur vienne d’ailleurs, et qu’ils aient pris de leurs voisins tout ce qui concerne le gouvernement politique et civil?
    Qui peut penser qu’un royaume, le plus ancien et le plus puissant de l’Europe, soit gouverné, depuis plus de dix siècles, par des lois qui ne sont pas faites pour lui? Si les Français avaient été conquis, ceci ne serait pas difficile à comprendre: mais ils sont les conquérants.
    Ils ont abandonné les lois anciennes, faites par leurs premiers rois dans les assemblées générales de la nation: et ce qu’il y a de singulier, c’est que les lois romaines, qu’ils ont prises à la place, étaient en partie faites et en partie rédigées par des empereurs contemporains de leurs législateurs.
    Et afin que l’acquisition fût entière, et que tout le bon sens leur vînt d’ailleurs, ils ont adopté toutes les constitutions des papes, et en ont fait une nouvelle partie de leur droit: nouveau genre de servitude.
    Il est vrai que, dans les derniers temps, on a rédigé par écrit quelques statuts des villes et des provinces: mais ils sont presque tous pris du droit romain.
    Cette abondance de lois adoptées, et pour ainsi dire naturalisées, est si grande qu’elle accable également la justice et les juges. Mais ces volumes de lois ne sont rien en comparaison de cette armée effroyable de glossateurs, de commentateurs, de compilateurs; gens aussi faibles par le peu de justesse de leur esprit qu’ils sont forts par leur nombre prodigieux.
    Ce n’est pas tout: ces lois étrangères ont introduit des formalités qui sont la honte de la raison humaine. Il serait assez difficile de décider si la forme s’est rendue plus pernicieuse, lorsqu’elle est entrée dans la jurisprudence, ou lorsqu’elle s’est logée dans la médecine; si elle a fait plus de ravages sous la robe d’un jurisconsulte que sous le large chapeau d’un médecin; et si dans l’une elle a plus ruiné de gens qu’elle n’en a tué dans l’autre.
    De Paris, le 17 de la lune de Saphar, 1717.



Le Languedoc-Roussillon, une région surfaite?

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C’était le 1 Février 2007, et j’écrivais ceci :

« Dans quelques années, le Languedoc-Roussillon, d’abord comme circonscription administrative de l’Etat puis comme collectivité territoriale de plein exercice, aura cinquante ans de suivi statistique. Un demi siècle ! Le constat ? Notre région n’aura cessé d’occuper le bas du tableau, juste devant la Corse, pour ce qui est de la richesse produite par habitant, et le haut, par le nombre de chômeurs rapporté à sa population active. On pourrait multiplier les indicateurs statistiques que nous n’échapperions pas à cette dure réalité, que nous ne voulons pas admettre : notre région vit sous perfusion financière. Sans les transferts financiers massifs en provenance d’Ile de France et de Rhône Alpes, notamment, nous serions tout simplement dans l’incapacité de satisfaire nos besoins les plus essentiels…Ceux de ménages largement tributaires de la solidarité nationale, dans une région déficitaire en logements sociaux et sous équipée pour  l’accueil des personnes âgées… Prétendre, comme le font certains,dans la classe politique régionale,inverser cette tendance est tout simplement mensonger. Je ne vois, en effet, aucune raison macro-économique ou politique qui me permettrait de nuancer ou d’infirmer cette remarque. Notre économie (malheureusement ?) de nature essentiellement résidentielle, ne le peut. « Dynamisée » par l’accroissement de population, elle crée des emplois peu qualifiés et à faible revenus principalement dans les services à la personne et  la construction de logements.Le tourisme n’étant qu’une variante de ce phénomène… »

Nous sommes le 1.02.2011, et je lis dans le Midi Libre du 12 janvier 2011, les propos de Georges Roques, géographe et auteur du livre décapant, et nécessaire pour ceux qui ne supportent plus la langue de bois de nos édiles locaux et de leurs services de communication: « Paradoxes en Languedoc-Roussillon. Une région surfaite« . Des propos qui corroborent encore aujourd’hui les miens. Ce qui, hélas, ne me réjouit pas!