Il ne fait pas très chaud. L’air est chargé d’humidité, mais le soleil est là pour deux ou trois heures au moins. Assis à la terrasse d’un café place de l’hôtel de ville, je lis un entretien accordé par Jacqueline Kelen au journal la Croix. En exergue cette phrase : « L’obsession thérapeutique risque de nous faire passer à côté du spirituel ». Un bruit de chaises m’en détourne. Deux femmes s’installent. L’une : « Je viens des urgences, ma fille déprime complètement…j’ai viré mon copain : pas gentil, méchant même… ». L’autre : « ma mère est morte…mon fils m’a envoyé paître…et ma belle fille, celle là… ». Arrive un petit monsieur. Bisous, bisous : « Je n’ai pas le moral moi aussi, mon ami est mort, j’ai payé les obsèques et sa sœur a pris tout le mobilier et la télé. Un grand écran… ». Les deux : « Un grand écran, non ? » Abattu, je replonge dans mon journal et lis : « Au psychanalyste on raconte les offenses subies ; au prêtre on dit les offenses commises. » Peut-être ! Mais cet après midi, il suffisait d’une table, trois chaises, trois cafés et d’une présence indiscrète… mais attentive pour qu’elles soient crûment exposées.
On rentre d’un bref séjour àArtiès, un hameau près duquel se trouve la maison de mes arrières grands parents maternel. Une maison à flanc de montagne posée sur un rocher qui lui sert de plancher. Ma mère m’accompagnait. Elle y est née dans cette maison loin de tout. Elle y a vécu aussi jusqu’à l’âge de 12 ans pour ensuite la quitter et rejoindre sa mère installée à Narbonne. Ce fut un crève cœur. Malgré l’immense misère dans laquelle elle vivait et son état de bâtarde, comme on disait alors, elle baignait dans l’amour de ses grands parents. Jamais elle n’a voulu ou pu demander le nom de son père biologique que tout ce petit monde de cette petite vallée de l’Ariège sans doute connaissait. Cette vérité, je ne l’ai apprise qu’à un âge très avancé. Et, très secrètement, j’espérais que revenant à 84 ans sur les lieux de son enfance elle m’en dirait un peu plus sur cette histoire et ce fantôme qui l’habite toujours. Comme il m’habite à présent pour des raisons que j’ignore. Est-ce un hasard si, plus tard, elle s’est unie à un jeune espagnol de Cox orphelin de mère et confié par son père à ses oncles et tantes ? Je ne le crois pas lui disais-je tout en évitant son regard.
Sur la route du retour, des feux rouges qui s’allument à l’arrière de bolides à la vue d’un panneau signalant un radar. Des bolides qui ralentissent soudain et qui, la zone dangereuse dépassée,recommencent à foncer. Leur suppression passionne les chauffards et les bistrots.Et une soixantaine d’élus UMP qui militent pour le maintien d’un dispositif d’une hypocrisie absolue. Un spectacle qui donne une très belle idée de la nature humaine : dissimulation, lâcheté et mensonge.
Bernard-Henri Lévy : « J’en veux, ce matin, au juge américain qui, en le (DSK) livrant à la foule des chasseurs d’images qui attendaient devant le commissariat de Harlem, a fait semblant de penser qu’il était un justiciable comme un autre. »A fait semblant de penser ? Voilà qui est dit dans la bouche de cet éminent représentant de la gauche mondaine. Un contresens qui projette sur le juge américain la vérité masquée de tous les « BHL » du monde : « Il n’y a pas d’égalité devant la justice ». Où va-t-on en effet si les puissants sont mis au même niveau que les pauvres ?
Ségolène Royal ce dimanche: « L’immigration clandestine, même si on aurait envie de faire plaisir à tout le monde et d’accueillir tout le monde, n’est pas possible parce que cela pèserait encore sur les conditions de travail et de vie des gens déjà les plus défavorisés de notre société. » Tout en préconisant quand même un examen au cas par cas.
Une position finalement pas si isolée au sein du Parti socialiste. Ainsi Sandrine Mazetier, la secrétaire du PS à l’immigration, préconise-t-elle un « accueil temporaire » suivi d’un traitement personnalisé des personnes immigrées…
Un modèle d’ambiguïté qui permet, dans un seul mouvement et après un grand coup de menton autoritaire : le refus de l’immigration clandestine, d’offrir un visage humanitaire et accueillant : le traitement au » cas par cas « .
Une posture politique aussi d’une hypocrisie absolue dans laquelle se mêlent inconfort moral et opportunisme électoral. Un mélange détonant qui décrédibilise toute parole publique. Et on feint ensuite de brandir la menace « populiste » !…(1)
Ah ! que je vous dise aussi : » les martinets sont de retour « . Depuis une semaine, matin et soir, ils sillonnent en bandes le ciel narbonnais…
(1) je profite de la circonstance pour saluer ici Manuel Valls et encourager ceux qui me lisent à lire son dernier ouvrage: » Sécurité « . Pour en avoir une idée, voir l’article que lui consacre P.Bilger sur son site.