A l’adresse de Monsieur Ayrault, cette page!

 

 

 

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Je l’ai trouvée en « feuilletant »  cette édition électronique des Caractères (De la Cour page 180) :

 

« Vient-on de placer quelqu’un dans un nouveau poste, c’est un débordement de louanges en sa faveur, qui inonde les cours et la chapelle, qui gagne l’escalier, les salles, la galerie, tout l’appartement : on en a au-dessus des yeux, on n’y tient pas. Il n’y a pas deux voix différentes sur ce personnage ; l’envie, la jalousie parlent comme l’adulation ; tous se laissent entraîner au torrent qui les emporte, qui les force de dire d’un homme ce qu’ils en pensent ou ce qu’ils n’en pensent pas, comme de louer souvent celui qu’ils ne connaissent point. L’homme d’esprit, de mérite ou de valeur devient en un instant un génie du premier ordre, un héros, un demi-dieu. Il est si prodigieusement flatté dans toutes les peintures que l’on fait de lui, qu’il paraît difforme près de ses portraits ; il lui est impossible d’arriver jamais jusqu’où la bassesse et la complaisance viennent de le porter : il rougit de sa propre réputation. Commence-t-il à chanceler dans ce poste où on l’avait mis, tout le monde passe facilement à un autre avis ; en est-il entièrement déchu, les machines qui l’avaient guindé si haut par l’applaudissement et les éloges sont encore toutes dressées pour le faire tomber dans le dernier mépris : je veux dire qu’il n’y en a point qui le dédaignent mieux, qui le blâment plus aigrement, et qui en disent plus de mal, que ceux qui s’étaient comme dévoués à la fureur d’en dire du bien. »

Pensées d’automne.

 

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Pensées d’automne : Celles-ci, prises au hasard, chez Henry de Montherlant.

° « Socrate, traversant un marché à Athènes : « Que de choses dont je n’ai pas envie ! » Aux griefs qui le firent condamner, on ajouterait aujourd’hui : antisocial, pour consommation insuffisante » (La Marée du soir carnets 1968-1971)

° « la tragédie est que la bêtise n’est jamais unilatérale. Tout deviendrait  trop facile » (La Marée du soir carnets 1968-1971)

° « L’effort constant d’une vie doit être d’élaguer : dans nos tâches, dans nos devoirs, dans nos relations, dans nos curiosités, dans nos connaissances même, pour nous concentrer, avec une force accrue, en un petit nombre d’objets qui nous sont propres et essentiels » (Le solstice de juin).

° « Qui veut trop trouver ne trouve rien » (La Marée du soir carnets 1968-1971)

° « Je ne me plains pas, je m’exprime. (Idem)

 

Flaubert, for ever…

GustaveFlaubert 

 

 

Ce texte de Jacques Raynal, qui en publiera d’autres dans ce blog.

 

Finalement, tout nous ramène a Flaubert, il est un peu la plaque tournante de toute la littérature Française (la plus récente tout au moins), un passage obligé entre le romantisme finissant et le réalisme commençant, il tire un trait sur la littérature d’introspection et annonce toute la littérature moderne (dans ce qu’elle a de meilleur et de pire).

Et puis, puisque nous en étions aux mots, quel amoureux justement des mots ! Quel lutteur aussi pour leur faire rendre gorge, en tirer la substantifique moelle…

Après tant d’autres et inévitablement, il connaitra, lui aussi, les affres de l’impuissance, cette limitation aux portes du sublime, toujours entr’aperçu, toujours insaisissable, cette porte un instant entrebâillée sur l’indicible nous laissant a jamais avec la nostalgie de cet éphémère et fugace éblouissement, les paupières brulées par les lumières interdites…

«  La parole humaine est comme un chaudron fêlé ou nous battons des mélodies a faire danser les ours quand on voudrait attendrir les étoiles  »

Et puis encore…

« Je ne suis qu’un lézard littéraire qui se chauffe, dans sa bibliothèque au grand soleil de la beauté »

Flaubert…L’ermite de Croisset, ce misanthrope de génie, ce bougon splendide, cet Alceste mal embouché que nous aimons tant  qui eut sans doute souscrit au mot de Mallarmé…

« Tout n’existe sans doute que pour aboutir a un livre…Dieu a fait la vie, ses douleurs et ses joies pour qu’un écrivain puisse le raconter »

Et pourtant…qui ne le sait ? Rien n’est simple chez un homme…

Le Flaubert qui écrivait :

« Les honneurs déshonorent, les titres dégradent, la fonction abrutit »

Celui dont la dernière ligne de madame Bovary fut (a propos du détestable Homais, Pharisien de sous préfecture, archétype du notable provincial pontifiant et bien pensant)

« Il vient de recevoir la légion d’honneur »

Celui, aussi, qui si longtemps, n’eut pas de mots assez durs pour fustiger son ami Du Camp, lequel rêvait de la fameuse breloque…

Le même, toujours qui exerçait sa verve, sa rogne et sa vindicte envers le monde, les salons, les compromissions…

Acheta un jour un habit a deux mille francs, des gants beurre frais a cinq cent francs (quand les droits de madame Bovary furent de huit cent francs) et se précipita au salon de la princesse Mathilde… (C’est Louise Colet qui le raconte)

Le pourfendeur des honneurs fallacieux accepta ensuite de recevoir, a son tour, la légion d’honneur et en fut même très fier…

Dieu que le socle de nos héros se lézarde souvent quand on y regarde de près !

Mais que celui qui n’a jamais cédé au péché de vanité lui lance le premier lazzi…Quand a moi, je m’en garderai bien !

« Vivre avilit » a écrit Henri de Régnier…Nous essayons, peut être tous, simplement, de sauver les meubles…

Cela dit, certaines choses paraissent étonnantes lorsque on s’y arrête…Et alimentent ma réflexion de ce jour.

On le sait, Flaubert, a travers Bouvard et Pécuchet, voulut embrasser toutes les sciences et les connaissances humaines…Il disait avoir lu, avant d’écrire la première ligne, quatre cent livres (oui, quatre cent…!) traitant de toutes les disciplines dont ses deux pathétiques héros allaient avoir a  se préoccuper…Projet mirifique et fou a la mesure de l’homme qu’il était.

Sa mort prématurée à cinquante huit ans l’empêcha  de mener son œuvre au bout.

Mais…Question…Y serait il parvenu…?

Un siècle plus tard, Sartre lui tente de faire le tour de Flaubert avec son « Idiot de la famille », il y passe sept ans, écrit des milliers de pages et la cécité l’empêche de finir son travail…

Mais…Question…Y serait il parvenu…?

Au bout de ce labeur titanesque, il dira avoir a peine, lui semblait il, effleuré le personnage.

Fait-on jamais le tour des connaissances humaines ? Plus simplement peut-on faire seulement le tour d’un homme ? Et plus humblement encore arrive t’on a faire seulement le tour de soi même dans ce court laps de temps qu’est toute vie humaine, ce grand éclair entre nos deux néants ?

Il est vrai que certains ont pu penser qu’après avoir fait trois petits tours dans une pièce close, ils peuvent désormais disposer…Rimbaldiens au (très) petit pied de «  la vérité dans une âme et dans un corps »

Contentons nous d’en sourire.

Finalement faire le tour d’un homme ou celui de l’humanité revient sans doute au même, et cette démarche de quelque façon qu’on l’entreprenne parait hélas toujours vouée à l’échec…non…?

Me revient à l’esprit la formule de Térence…

« Je suis homme et rien de ce qui est humain ne peut m’être étranger »

Etranger ? Certes, non…Mais saisissable…? Notre réalité profonde, comme le sable, nous glisse entre les doigts.

Montaigne était sans doute dans le vrai lorsqu’il disait que toute étude sérieuse du monde commence par soi même et, quand, aux antipodes de tout égotisme stendhalien, il portait sur lui-même le regard acéré et sans complaisance de l’entomologiste…Macrocosme et microcosme… « Tout ce qui est en haut est comme tout ce qui est en bas » (ça, c’est un autre qui nous l’a dit)

Mais au bout du compte, et ce sera ma conclusion, quand on a découvert que le monde existe et aussi que l’on existe dans ce monde, qu’on en est un composant a la fois dérisoire et essentiel…On n’a plus besoin de miracles…On est dedans !

 

 

 

 

 

 

Et ce soir?

 

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« Et ce soir ? »

– Ah ! non, mercredi prochain, je suis en séminaire. Le mercredi suivant, alors ?
– Là, c’est moi qui ne vais pas pouvoir. Je dois garder les enfants de ma soeur.
Il faut bien en convenir. Les projections dans l’avenir sont de plus en plus complexes, même dans les vies apparemment les plus libres, les plus simples. Est-ce seulement le rythme imposé par la société, ou la réponse rassurante donnée à un risque existentiel ? En tout cas, le résultat est là : un maillage des jours de moins en moins lâche, qui peut aller de la tyrannie obligatoire du travail envahissant jusqu’aux contraintes des cours de karaté ou de piano pour les petits, jusqu’à celles du club de généalogie ou d’aquagym pour les plus âgés. De plus en plus difficile de passer par surprise, tant le risque est grand de tomber mal ou de trouver porte de bois. Déjà, le simple appel téléphonique doit s’accompagner d’un « Je ne te dérange pas ? » qui va parfois jusqu’à l’affirmatif « Je te dérange ! ».
Alors, devant le panorama inextricable de toutes ces choses à faire, de tout ce prévu, de toutes ces agenda, au sens le plus latin du terme, un des protagonistes finit par lancer, comme une incongruité désespérée, mais avec une petite excitation déjà conquérante :
– Et ce soir ?
Ce soir ? Touché par ce direct à l’estomac, l’autre reprend les deux derniers de ces trois mots, les fait planer dans l’espace. Ce concept outrecuidant d’une proposition quasi immédiate doit d’abord passer dans une phase d’apesanteur, de dématérialisation sémantique. Mais un sourire se dessine bientôt au coin des lèvres. Ce soir ? Oui, après tout, pourquoi pas ? C’est incroyable, je suis libre et toi aussi. Comment n’y avions-nous pas pensé plus tôt ?
C’est comme si on revenait avec bonheur à une vie d’autrefois où l’on pouvait se voir au débotté, sans projection préliminaire. Finalement, le temps ne nous a pas mangés. Ce soir, on peut toujours.

 

 

Le roi a besoin de voir vos dentelles…

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Mes pages. 

 

Celle ci, du Duc de Saint Simon:

 

« Le roi a besoin de voir vos dentelles, vos broderies, votre chapeau, vos plumes, votre rabat, votre perruque. Vous êtes le dessus d’un fauteuil. Votre absence lui dérobe un de ses meubles. Restez donc, et faites antichambre. Après quelques années d’exercice on s’y habitue; il ne s’agit que d’être en représentation permanente. On manie son chapeau, on secoue du doigt ses dentelles, on s’appuie contre une cheminée, on regarde par la fenêtre une pièce d’eau, on calcule ses attitudes et l’on se plie en deux pour les révérences; on se montre et on regarde; on force embrassades; on débite et l’on écoute cinq ou six cents compliments par jour. Ce sont des phrases que l’on subit et que l’on impose sans y donner attention, par usage, par cérémonie, imitées des Chinois, utiles pour tuer le temps, plus utiles pour déguiser cette chose dangereuse, la pensée. »

 

Mémoires du duc de Saint-Simon : Siècle de Louis XIV, la régence, Louis XV (French Edition) Surlignement : emplacement. 104-10. Ajouté le mercredi 7 décembre 2011, à 21 h, dans ma Kindle. 

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