je suis de ceux qui vibrent au micro-évènement d’une hirondelle posée sur un fil électrique à basse altitude, environ trois mètres, et qui se laisse approcher jusqu’à voir sa gorge blanche frémir sous un vent d’ouest de fin d’après midi, sur l’ancien chemin de halage du canal des Deux-Mers, au Somail, ce superbe hameau situé à quelques kilomètres seulement de Narbonne, malheureusement amputé de valeureux platanes rongés par une maladie incurable, qui jusqu’alors offraient aux promeneurs leurs ombres protectrices les jours d’intenses et brûlantes lumières d’été.
À quoi sert un (e) ministre de la Culture et de la Communication? À rien, à rien d’autre qu’à garantir la reconduction ou l’augmentation des dotations allouées, chaque année, à une centaine d’établissements publics et une centaine d’écoles supérieures concentrés en Île de France. Des positions de rente qui absorbent 70% à 80% d’un budget qui tourne, d’une année sur l’autre, autour de 7 milliards d’euros. La part de l’audiovisuel public représentant à elle seule plus de la moitié des sommes distribuées (1)! Reste une marge de manoeuvre d’à peine un plus de 1 milliard, soit le budget de la métropole de Toulouse, pour soutenir ou engager des actions un tant soit peu originales… Le boulot, pour l’essentiel, consiste donc en un simple jeu d’écriture; et à flatter surtout un milieu profondément narcissique, votant plutôt à gauche et arc bouté sur des positions acquises depuis des lustres sous tous les gouvernements. Surtout ne pas faire bouger les lignes, était en vérité la feuille de route de François Hollande adressée à Fleur Pellerin:
Vois Jack Lang, il a des idées », « Va au spectacle. Tous les soirs, il faut que tu te tapes ça, et tu dis que « c’est bien », « que c’est beau ».
Ce qu’elle n’a pas compris, ou très mal fait! Le profil social et intellectuel de madame Pellerin pourtant: son visage et son parcours d’enfant abandonnée à Séoul, adoptée en France par des parents aimants, et pur produit de l’école de la République, tout en envoyant un certain message à la France d’aujourd’hui, était parfait et ne pouvait que convenir à ce petit milieu autocentré de la musique, du cinéma et des grandes institutions et théâtres parisiens… Ce qu’elle a ostensiblement refusé de porter en épinglette, elle toujours d’une élégance si raffinée, si « bourgeoise »… Trop raide et trop sobre dans ses gestes et ses mots. Bref , elle n’a pas fait ce qu’on attendait d’elle, à l’Élysée et dans le monde de la « culture » (2) … Par innocence, sans doute. Celle d’une personnalité novice en politique qui ne croît pas encore qu’elle puisse se résumer à la société du spectacle.
Elle n’a pas compris aussi qu’il ne lui était pas demandé d’engager des actions pour permettre « à chacun d’éprouver sa sensibilité, … se construire comme individu et comme citoyen, de comprendre sa place dans la société et dans le monde… »; et « dans une période d’instabilité, de doutes, de questionnement sur l’identité et la nation, la culture est la religion d’une société laïque » de donner des clés d’explication, rebattre les cartes entre les générations et les gens issus de conditions sociales différentes, comme elle le pense nécessaire dans une interview donnée dans l’Obs. Cela, Fleur Pellerin, n’est pas le job d’une ministre de la Culture, mais celui de la ministre de l’Éducation, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, votre ancienne collègue, elle toujours en poste!
Pour s’être voilée la face sur ses réalités, madame Pellerin a été virée. Mais en agissant de la sorte, Monsieur Hollande a dévoilé la vérité de ce ministère. Il ne sert à rien sinon qu’à faire de la Communication. Comme son nom l’indique, il est au coeur de la société du spectacle… et la nourrit!
(1) L’audiovisuel public représente à lui seul 3,85 milliards d’euros.
(2) Avec l’appui de Manuel Valls, elle a quand même pacifié le conflit des intermittents. Le président et les ministres peuvent à nouveau fréquenter les salles de spectacle sans se faire siffler ou huer… Encore que sa remplaçante n’a pas été à la fête, lors de sa première sortie aux Victoires de la Musique…
C’est l’excellent article de Nathalie : «Y a-t-il un un mystère Hollande?» qui m’a incité à revenir sur ce grand moment de télévision, et de communication ratée, que fut la diffusion, lundi, du film d’Yves Jeuland. Un documentaire censé, du point de vue de l’Élysée, nous présenter un François Hollande, modeste, calme et déterminé. À l’écoute des français. L’image inversée de son prédécesseur : «C’est vrai que je suis aussi un peu dans une coquille, une carapace et que peu de gens savent vraiment qui je suis. »
Explosion médiatique! Ce même jour sort le Houellebecq, qui met en transe l’élite politico-médiatique, et la phrase de Macron, sortie elle de son contexte, qui fait hurler à gauche même madame Fleur Pellerin: « Il faut des jeunes Français qui aient envie de devenir milliardaires ». Sur le premier, je n’en dirai rien: je ne l’ai pas encore lu. Quant au second, citons l’entièreté de son propos: « L’économie du Net est une économie de superstars.
Jeudi matin , sur France Info : «Un ministre, en 2014 ou en 2015, n’est pas quelqu’un qui est payé pour lire des livres chez soi. C’est vrai que c’est important, mais je pense que ce que les Français, les auteurs et les artistes attendent de moi, c’est que je défende leurs intérêts. Un ministre de la Culture doit défendre la culture et non sa culture.» Sur le fond, elle n’a pas tort. On ne demande pas au ministre des transports de savoir conduire un TGV, comme à celui de la Défense de piloter un Mirage. Mais à suivre son raisonnement on pourrait en conclure que, pour défendre la Culture, il n’est pas nécessaire d’en posséder et d’en entretenir quelqu’une, la sienne ou celle que l’on présente en général comme commune.