Articles marqués avec ‘Narbonne’

Un dimanche des Rameaux à Narbonne et… Cox !

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Di.2.3.2023
 
Dimanche des Rameaux.
 
Moments de vie.
 
10 heures 30. Les cloches de Saint-Just appellent les fidèles à se rassembler sur l’esplanade située à l’arrière de la cathédrale. C’est l’heure du rituel de la bénédiction des rameaux d’olivier et de laurier. Elles sonnent haut et fort. Et le vent porte loin dans les airs des vibrations d’allégresse. Le curé et ses servants sont en place. Autour d’eux, une petite foule se presse. Elle attend, impatiente, que la cérémonie commence. Leurs feuilles de laurier ou d’olivier bénies, de nombreux participants fuiront la messe et quitteront vite les lieux. Les rameaux orneront leurs maisons et les protégeront des malheurs du monde ! Ceux-là m’ont toujours fait penser à des adeptes clandestins d’une sorte de rite magique. Plus tard, en remontant le Cours Mirabeau, j’ai croisé une famille d’Espagnol. L’homme, jeune, tenait à la main une longue branche de palmier séchée, tandis que sa femme et ses enfants arboraient des assemblages de palmes tressées. Comme à Elche, pendant la procession des palmes blanches, ou à Cox. Cox, le village de mon grand-père, où j’ai pu discuter, en 2013, je crois, de cet art du tressage des feuilles de palmier avec deux dames le pratiquant, ce jour-là et selon la coutume, devant l’église. Un art délicat qui se pratique et se transmet encore dans quelques rares familles. Depuis cette étonnante rencontre, je ne cesse de m’interroger. Pour quelles raisons ce jeune couple et leurs enfants se promenaient-ils ainsi dans les rues de Narbonne avec, dans leurs mains, les emblèmes d’une tradition qui, le même jour, réunissait une multitude de personnes dans les rues d’Elche, d’Orihuela ou de Cox ? Depuis, j’ai le regret de ne pas leur avoir adressé la parole. Ils ne pouvaient venir en effet que de terres paternelles. Nous aurions pu alors communier, peut-être, sur de mêmes histoires familiales. Que d’occasions de partage d’idées ou de sentiments sottement perdues dans une vie d’homme, songeai-je.
 
Illustration : photos prises lors de mon dernier séjour à Cox.
 
 
 
 
 

Moments de vie à la Basilique Saint Paul Serge

 

 

 

 

Je.12.1.2023

Moments de vie.

De mémoire de paroissien, jamais la basilique Saint Paul Serge, n’avait accueilli autant de monde. On se serrait sur les bancs, dans les travées, les chapelles et les coins les plus obscurs et reculés de l’église. Faute de places, de nombreuses personnes attendaient dehors la fin de la cérémonie. Une bénédiction conduite de très belle manière. Sobre et bien rythmée par les officiants, le rituel touchait le cœur comme l’esprit. Le mien en tout cas : je suis sensible à la beauté de certaines liturgies ! Adossé à l’un des piliers, près de l’entrée, j’écoutais l’hommage émouvant rendu à Solange. Le célébrant était doté d’une voix de chantre, chaude et profonde qui sonnait juste dans un silence parfait. Jusqu’à ce qu’une voix étouffée, très proche, hélas ! se fasse entendre. J’ai mis un certain temps avant d’en trouver la source. Les sons qui en sortaient, pareils à des lamentations murmurées, étaient ceux d’un vieil homme, petit, chétif, le nez collé à la jointure du grand portail et d’un mur latéral. La tête penchée sur son gros portable vert, le corps ramassé, crispé, il avait l’attitude d’un pêcheur à confesse. Rien au monde ne pouvait le distraire : il marmottait insolemment dans sa bulle numérique. Lorsqu’un employé municipal chargé du protocole s’est approché pour lui demander de se taire, j’ai pu apercevoir, devant moi, par-dessus les têtes qui m’entouraient, son visage. Ses yeux écarquillés et sa bouche ouverte exprimaient son incompréhension et glorieuse bêtise. La circonstance m’offrait ainsi,en ce moment de célébration et de receuillement, la figure contemporaine, brutale, de l’abruti connecté. Je ne suis pas prêt de l’oublier !

 

 

Moments de vie : Je n’oublie pas que ce jour est celui de l’Épiphanie.

 
 
 
 
 
Ve.6.1.2023
 
Moment de vie.
 

Ils sont trois ou quatre sur l’axe reliant la place de l’hôtel de ville et le quartier de Bourg. D’autres seront un peu plus loin sur la promenade des Barques, postés à hauteur de la passerelle enjambant le canal de la Robine. Et d’autres encore ailleurs en des lieux parmi les plus fréquentés de la ville. Et ce tous les matins. Outre cette parfaite connaissance de ma petite cité et de ses mœurs, j’ai pu constater chez eux la grande diversité de leur composition et la constance de leur « engagement » Toutes les catégories d’âge et de sexe y sont en effet représentées. Avec le plus souvent une parfaite égalité homme-femme. Ils semblent heureux d’être ensemble et bavardent gaiement autour de leur présentoir mobile.

l’Aténéo du Narbonnais expose Yvan Hurtado à La Poudrière…

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Ma.22.11.2022
 
 
Le hasard m’a conduit à la Poudrière de Narbonne où l’Association « Aténéo du narbonnais » présente une exposition de photos d’Yvan Hurtado * : « Paysages, visages, pages d’Amérique du Sud ». Je ne connais pas Yvan Hurtado, mais ses « images » expriment beaucoup de sa personnalité. Des images d’une beauté plastique simple, tout en retenue, chaque visage, chaque attitude, site ou maison reflétant une réelle empathie dans son rapport aux autres et au monde. Yvan Hurtado a, en effet, le regard sensible, mais il sait aussi retenir ses émotions et leur donner une forme à l’opposé de la banalité ou du clinquant dont se parent trop de cimaises. On peut dire qu’il photographie en poète. Photos-poèmes avec lesquels, pour l’occasion, entrent en résonance les textes poétiques de son ami Philippe Lemoine.
 
Une image a particulièrement retenu mon attention : celle de la table de travail de Pablo Neruda, dans sa Casa Isla Negra, face à l’Océan. Elle est comme le symbole du travail et de la sensibilité d’Yvan Hurtado. Cette casa a été achetée par Pablo Neruda en 1938 à un vieux capitaine espagnol alors qu’il revenait d’Europe. En 1973, lorsqu’il meurt, la maison est expropriée alors qu’il l’avait cédée au Parti Communiste. Il a fallu attendre la fin de la dictature militaire pour que les restes de Neruda soient enterrés aux côtés de sa dernière femme, Matilde, dans le jardin d’Isla Negra, face à la mer.
 
 
 
 
La Casa Isla Negra.
 
 
 
* Du 17 au 30 novembre à la Poudrière de Narbonne.
 
 
Extrait d’un poème de Pablo Neruda : La poésie.
 
 

Et ce fut à cet âge… La poésie

vint me chercher. Je ne sais pas, je ne sais d’où

elle surgit, de l’hiver ou du fleuve.

Je ne sais ni comment ni quand,

non, ce n’étaient pas des voix, ce n’étaient pas

des mots, ni le silence :

d’une rue elle me hélait,

des branches de la nuit,

soudain parmi les autres,

parmi des feux violents

ou dans le retour solitaire,

sans visage elle était là

et me touchait.

[…]  

 

Cette tour de Saint Paul-Serge qui fend le ciel et dérègle le temps…

 
 
 
 
 
 
 
Ma.18.10.2022
 
9 heures !
 
La très large baie de mon bureau est en partie ouverte sur un ciel bas et gris. Une pluie fine couvre les toits du quartier de Bourg d’un léger voile brillant, des taches sombres tapissent les façades ocre des immeubles voisins. À l’extrémité des toitures, des pigeons, la tête rentrée dans leurs plumes, semblent dormir. Ils fuseront ensemble dans un instant vers les pelouses en contrebas. Qu’ils piqueront en bon ordre, méthodiquement. La rue de la Parerie est silencieuse. De rares piétons l’animent. On reconnait les plus jeunes : ils portent des « chaussures de sport » blanches, se tiennent plus droits, marchent plus vite. Des éclats de voix montent jusque dans ma pièce. Je reconnais celle du marchand de fruits et légumes qui, tous les mardis, s’installe devant mon petit immeuble, sur la « Place au Blé ». Pour le voir et l’entendre discuter avec ses clients, il me faudrait descendre dans le salon. Il est jeune et sans imagination. Son étal est banal en toutes saisons. Dans ce ciel d’étain, le vol ample et lent d’un goéland solitaire en chasse, il cherche une proie. Souvent le cadavre d’un pigeon qu’il déchirera pour fourrer son bec dans ses entrailles. Tout près, qui s’élève au milieu des toits, la tour carrée de la basilique Saint Paul et son campanile en fer forgé. Nous vivions et jouions autour d’elle. Elle fend le ciel et dérègle le temps. Tous les matins, je laisse ainsi s’attarder mon regard sur ses pierres blondes. Surgissent alors des images, des visages et des sons d’autrefois
 
 
 
 

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