« À force de dénoncer l’existence de « l’UMPS », le Front national a fini par lui donner une consistance réelle. Non pas – ou pas encore – au niveau des stratégies des partis mais au moins, et clairement, au niveau de l’électorat. Si ce parti n’a gagné aucun département dimanche dernier et seulement une soixantaine de sièges sur environ 4000 – soit 1,5% –, malgré ses réelles performances en voix, c’est que s’est formé contre lui un large front électoral.
Le Front national (33,66%) est en tête au premier tour des élections départementales 2015 dans l’Aude, ce dimanche 22 mars. Il devance le Parti Socialiste d’une courte tête (32,13%) et le Front de gauche arrive en troisième position (9,58%). Les candidats divers-droite du « Groupe des Élus Responsables » obtiennent 8,89% des suffrages exprimés, seulement.
Une victoire incontestable du FN, qui s’implante dans des secteurs ruraux où la Droite n’existait pas, et une défaite toute aussi incontestable de l’UMP et de ses alliés, qui fait, toutefois, plus que résister au FN dans les seules Corbières-Maritimes – Leucate, Port-la-Nouvelle, Sigean – sans doute grâce à la personnalité de son binôme, et plus précisément, celle du maire de Port-la-Nouvelle Henri Martin, arrivé en tête devant le FN, le PS étant éliminé pour le second tour. Le PS, lui, au bord d’une rupture historique, sauve l’essentiel, si je puis dire, dans des « terres » qui « virent », au fil des élections, au bleu sombre, sur les deux « lignes » structurantes de ce département: Carcassonne-Lézignan-Narbonne, d’une part, et, l’ensemble du littoral audois , d’autre part…
Sur Narbonne, amère déconvenue pour Didier Mouly et ses candidats, qui visait le grand chelem! Condamné à des triangulaires difficiles sur les cantons 2 et 3, et éliminé du second tour sur le 1, tout est envisageable; une victoire à l’arraché, comme une défaite au profit du PS, qui semble disposer d’une réserve de voix importante du côté du Front de Gauche, et qui pourrait bénéficier, paradoxalement aussi, de la dynamique du FN au premier tour…
Dans une de mes récentes chroniques narbonnaises, j’observais que les grandes « marques » politiques n’avaient plus, pour reprendre une image boursière, la côte. Leurs représentants, sur le marché électoral de gauche et de droite, tentant de maintenir leurs parts de marchés avec des « accroches » publicitaires aux contours flous. Avec, comme effet paradoxal, l’affirmation de l’image, et de la marque, du « nouvel entrant », à savoir le FN de Marine le Pen. Cette situation est évidemment le résultat, pour les partis dits de gouvernement, d’une « identité », commerciale -qu’on me pardonne le qualificatif – perdue. Les « clients » de ces partis, ne se reconnaissent plus, ou mal, en effet, dans l’offre qui leur est présentée; une offre, pour ne prendre que les seuls exemples du PS et de l’UMP, qui, dans l’exercice du pouvoir, se révèle vite n’être que de la « fausse » publicité. Car il y a des limites au théorème de Talleyrand selon lequel: « En politique, ce qui est cru devient plus important que ce qui est vrai. »
Il y a donc urgence à ce que soient redéfinis leur « produit », leur « marque » et leur « accroche » s’ils veulent encore exister et se rendre utile sur le marché politique et électoral.
Manuel Valls fait des élections départementales celles de la seule lutte contre le FN. Si la menace est sérieuse, on peut néanmoins s’interroger sur le sens politique de sa stratégie. On aurait pu s’attendre, en effet, à ce que le premier ministre, sa majorité, le PS et ses alliés défendent la politique et les actions que le gouvernement met en oeuvre, sous l’autorité de François Hollande. À tort ou à raison, peu importe, sous le quinquennat, les élections intermédiaires valident ou pas la politique de l’exécutif. Il est donc clair que Manuel Valls, en déplaçant, l’axe de la campagne sur le seul terrain de l’affrontement « moral » avec le FN, fait l’amer constat que le combat idéologique et politique sur le bilan gouvernemental, depuis 2012, est perdu.
Comment faire semblant de l’ignorer, ce dernier sondage de l’IFOP pour le « JDD » de ce dimanche 15 février ? Le parti de madame Le Pen est crédité de 29% d’intentions de vote, et l’UMP et le PS, seraient, l’un et l’autre, devancés, lors des élections départementales des 22 et 29 mars. Et comment s’en étonner surtout à voir les rayons «politique» des grandes et petites librairies emplis de livres à son sujet, les médias écrits, audios ou télés saturés de commentaires et de polémiques sur sa dangerosité , et les partis dits de gouvernement fuir les graves questions qui préoccupent la France et les français en « lepénisant » la sécurité, l’intégration etc…