Moments de vie : « La magie de Noël » !

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Sa.26.11.2022
 
La magie de Noël.
 
Un immense Père Noël en matière plastique a été installé avant-hier sur la place, à quelques mètres seulement de ma porte d’entrée. Immensément gros et bedonnant, il a le même air ahuri, stupide et las que ceux, animés, postés dans les halls des grands magasins, un enfant sur leurs cuisses, attendant d’être pris en photo par des parents tout excités. Il arrive parfois que certains de ces petits garçons ou petites filles, effrayés ou lucides, pleurent. Alors, on n’a qu’une envie : les consoler.
Ce matin, un touriste espagnol a grimpé sur l’immense Père Noël trônant sur ma place. Il s’est assis sur ses cuisses et a fait grossièrement le pitre. Ses amis l’ont encouragé de la voix, pendant qu’ils le filmaient avec leurs portables. Tous riaient. Grassement. Alors, je n’ai eu qu’une envie : partir !
 
 
 
 
 
 

Lettre à un ami sur la corrida.

 
 
 
Arènes de Béziers.
 
 
 
 
 
Ve.25.11.2022
 
Lettre à un ami.
 
Cher Paul !
 
Nous nous sommes souvent trouvés dans les mêmes arènes, et, déjà, je te soutenais que la corrida était une des dernières « traditions » dont nos enfants et petits enfants verraient un jour nécessairement la fin. Je ne vais pas développer ici tous les arguments (nous avons les mêmes), que nous pouvons opposer aux abolitionnistes. Ce serait inutile, tu en conviendras ! J’irai donc à l’essentiel. Et pour te dire, mais tu le sais aussi, que ce spectacle social et ritualisé de la mise à mort d’un animal sauvage (avec la « féria » qui lui est organiquement liée) est en totale opposition avec les « valeurs » de nos sociétés urbaines et métropolisées. Dans nos sociétés « modernes », en effet, la mort, qui fait peur et qu’on ne veut ni voir ni entendre, est rejetée à leurs périphéries : l’anonymat et le secret des hôpitaux et des maisons de retraites, pour les humains, des abattoirs, notamment, pour les animaux. En cela, évidemment, exiger l’abolition des corridas est d’une grande hypocrisie. Sauf à interdire en même temps toute forme d’abattage animalier pour la consommation humaine, ce qui, comme tu le sais, serait aussi « bon pour le climat », nous disent « Animalistes » et « Verts, surtout. Le certain, par contre, est que ce genre de spectacle, était commun et accepté dans des sociétés essentiellement rurales où la mise à mort quotidienne des animaux de fermes n’était point cachée et celle des proches humains socialement ritualisée au-delà de la seule famille. À l’évidence, il ne l’est aujourd’hui. (Les avancées scientifiques sur la « sensibilité » animale venant en outre à l’appui de cette demande sociale et culturelle). Nous sommes (hélas !) , mon cher Paul, les derniers amateurs d’une tradition (un substantif ambigu que je ne prise guère) d’un « vieux monde » qui, sous les coups d’insistantes injonctions politiques et culturelles, laisse petit à petit la place à celui dans lequel j’ai, je te l’avoue, beaucoup de mal à trouver la mienne.
 
Abrazos !
 
Michel.
 
 
 

Un dimanche au cinéma ! Histoires de mères : « Saint Omer », d’Alice Diop .

 
 
 
 
 
 
 
 
Ma.15.11.2022
 
Dimanche au cinéma.
 
Dimanche après midi, dans la salle art et essai du Théâtre + Cinéma Scène nationale Grand Narbonne, j’ai assisté, en « avant-première », à la projection de « Saint Omer », le premier film de fiction d’Alice Diop. Un film présenté aussi en première mondiale à la Mostra de Venise en septembre et qui en est « sorti » couronné de trois prix, dont le prestigieux Lion d’Argent, Grand prix du jury présidé par l’actrice américaine Julianne Moore. La presse internationale, qui le couvre de louanges avant même sa présentation dans les salles françaises, le 23 novembre, est au diapason de cette reconnaissance.

« Vivre, c’est s’obstiner à achever un souvenir. » Vraiment ?

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Ve.11.11.2022
 
J’ai lu sur la page Facebook d’un « ami » cette phrase de René Char : « Vivre, c’est s’obstiner à achever un souvenir. » Depuis, elle occupe, par moments – brefs fort heureusement –, mon esprit. J’ai du mal, en effet, avec cette idée d’une vie attachée à un souvenir auquel nous voudrions avec acharnement mettre fin. Et pourquoi donc ce « un » ? exclusif. Serait-il celui d’une époque – l’enfance, l’extrême vieillesse… – ; d’un pays ; d’une histoire ; d’une relation amoureuse, amicale ; d’une émotion ?… Une séquence de notre vie, cadrée, coupée dans le film du passé, qui serait stockée dans nos mémoires, comme un fichier dans un ordinateur ? Que cela soit hors de notre portée, chaque jour de notre vie le démontre aisément. Que je sois fait de ce que je fus, sans doute. Mais ce que j’en sais, ou me remémore, n’est un ensemble de représentations subjectives nécessairement colorées par ce que je vis au présent, mon caractère, mon histoire personnelle, mes connaissances, mes opinions, croyances… mes projections sur l’avenir. Un film fait de trous, de faux souvenirs, d’erreurs… Rien de définitivement assuré une bonne fois pour toutes dont je poursuivrais obstinément l’accomplissement. Ma mémoire et mes souvenirs changent avec le temps. Je ne suis pas – ne suis plus – que le seul souvenir d’un enfant, notamment !
Quelqu’un qui sait mon goût pour l’œuvre de Patrick Modiano, m’a fait remarquer que cette phrase de René Char est inscrite en exergue de son « Livret de famille » paru en 1977. Ce qui serait contradictoire à mon propos, me dit-il. Alors que j’y vois plutôt une confirmation. Pour l’écrivain, en effet, la mémoire est une contrée fragmentée, jamais tout à fait sûre, toujours à revisiter. C’est un territoire intérieur brumeux aux frontières floues. On y erre sans fin, on s’y perd parfois. Et les mots, les images, butent toujours sur un indéchiffrable noyau. Vivre, c’est réduire par tous les moyens l’ambiguïté propres à nos souvenirs. S’obstiner à les achever, c’est risquer la névrose. Le bégaiement à coup sûr.
Je relis – à voix haute, cette fois – cette phrase de René Char et ne peux me défaire d’un sentiment de lourdeur. Elle sonne mal ! Épaisse, elle grince aussi avec cet hiatus – « à achever » – en son cœur. D’autres pourtant la trouvent magnifique…
 
 
 
 

Moment de vie : Ce cinéma là reste un cinéma de vieux !

 
 
 
 
 
 
 
 
 
Sa.5.11.2022
 
Moments de vie. Quel cinéma ?!
 
Dans ma petite ville, je ne fréquente qu’une seule salle de cinéma. Labellisée « Art et Essai », elle est gérée par le Théâtre Scène Nationale du Grand Narbonne. Je peux m’y rendre à pied sans quitter les berges de la Robine, ce qui soulage ma mauvaise conscience de vieux « boomeur » écoresponsable de tous les malheurs du monde, sa programmation « élitiste » s’accordant en outre avec un vague désir « petit bourgeois » de distinction intellectuelle et sociale, que je refuserais d’admettre selon mon ami resté à 60 ans passé indécrottablement trotskiste, mais culturel, s’empresse-t-il de préciser. La semaine dernière, j’y suis allé voir « la conspiration du Caire ». Un film plutôt bien fait et distrayant que j’ai cependant trouvé un peu long. Dans la salle, comme toujours, seuls les fauteuils des rangées les plus hautes étaient occupés. J’ai aussi remarqué que les femmes étaient de loin les plus nombreuses et que les rares hommes qui les accompagnaient avaient leurs têtes couvertes de cheveux blancs, ou partiellement nues – l’une d’elles, devant moi, gênante, l’était complètement. Elle brillait ! Pour les autres mâles, je me suis aussi demandé s’ils n’étaient pas déjà allongés, sous terre, ou vautré dans leur canapé, face à la télé, à s’échauffer devant un match de foot, ou partis avec des amis cueillir des champignons – c’est la saison des cèpes ! J’ai aussi pensé que nous constituions ainsi un public de fonctionnaires à la retraite, avec certainement une forte proportion d’enseignants. L’avenir du cinéma, avec lui, me semblant très incertain. Un constat général d’ailleurs confirmé par Jérôme Seydoux, lu ce soir-là dans un entretien donné au journal « le Monde » sur le thème de la « crise du cinéma ». Loin des vanités des différents acteurs de cette industrie qui, sans jamais se remettre en cause, sont toujours à la recherche de bouc-émissaires, le coprésident du groupe Pathé, lui, énonce tranquillement et froidement sa vérité :  » […] ce cinéma reste un cinéma pour vieux. Avec des sujets, des thèmes, une façon de filmer, de monter, je dirais gentiment… un peu à l’ancienne. C’est la raison pour laquelle les jeunes ne vont pas voir de cinéma français.[…] Après le Covid-19, les jeunes sont revenus en salle regarder des films américains. Les retraités sont revenus aussi. Ceux qui manquent, ce sont les 25-59 ans. »
Ce soir, je n’irai pas dans ma salle attitrée. Rien d’intéressant au programme, en effet. J’ai donc loué sur « Prime vidéo », pour 1€99, les « Illusions perdues ». Un film qui, lors de sa sortie, avait été projeté dans une salle du complexe CGR. Un complexe situé dans le misérable décor urbain d’une zone commerciale, à la périphérie de la ville. Et que je fuis à l’idée de m’y rendre en voiture et de devoir, dans une de ses salles, aspirer par le nez des effluves de pop-corn et des odeurs de vieilles moquettes souillées. J’ai aussi promis à ma petite fille, hier, une soirée ensemble devant notre écran de télévision. Elle choisira un film sur une plate-forme de vidéo, m’a-t-elle assurée… « Ça sera bien, papy ! »
 
 
 
 
 

Articles récents