La légende des périphéries urbaines abandonnées par l’État…

Le géographe Jacques Lévy est l’anti-Christophe Guilluy. Il met en avant l’ouverture à l’autre qui serait la marque des cœurs d’agglomération et montre que ce sont les contribuables des grandes villes qui paient pour les autres. Un point de vue à contre-courant de celui qui prévaut dans les analyses et commentaires du moment sur les « Gilets Jaunes ». Je donne ici quelques extraits recomposés à ma manière, de son long entretien (et passionnant) à la Gazette des Communes.

Ma première contribution au Grand Débat !

Le grand débat a été officiellement lancé par trois rencontres entre le président de la République et des maires. La dernière en date l’a conduit devant des Gilets Jaunes dans la Drôme. Dans ces  exercices, jamais entrepris par un Président de la République, sous la cinquième République – soit dit en passant – , Emmanuel Macron, s’est exprimé et s’est engagé à tirer les conséquences pratiques des propositions qui ne manqueront pas de s’exprimer sur les divers sujets exposés dans sa lettre aux français. Une initiative politique inédite et très révélatrice des difficultés structurelles de notre démocratie.

Les curieux comptes d’Oxfam sur les inégalités dans le monde.

« Les 1% les plus riches vont bientôt détenir 50% de la richesse mondiale, soit plus que les 99% restant », « 85 personnes détiennent autant que 3.5 milliards d’autres ». Voilà quelques uns des titres chocs lus depuis la publication d’un nouveau rapport de l’ONG Oxfam sur les inégalités mondiales. Le tout illustré d’infographies, ou de photos choquantes : africains aux yeux couverts de mouches etc. Titres repris sur nombre de comptes Facebook ou Twitter. Et chiffres qui donnent une image totalement trompeuse des inégalités. D’où sortent-ils, d’ailleurs ?

Médias, pourquoi tant de haine et de défiance !

 

 

 

Eugénie Bastié, comme de nombreux autres journalistes, s’interroge dans le Figaro du jour : « Médias, pourquoi tant de haine ? ». Une haine allant jusqu’à l’agression physique dans les manifestations de Gilets Jaunes et par un déferlement d’insultes sur les réseaux sociaux. Ce que confirme à sa manière plus « civilisée », le niveau de défiance relevé par le baromètre du Cevipof. 23 % des personnes interrogées seulement ont confiance dans les médias, juste avant les partis politiques (9 %). Un décrochage qui dure depuis au moins une décennie (moyenne de 25 % entre 2009 et 2019).

 

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Ce rapport des français aux médias et à l’information n’est évidemment pas sans rapport avec les dérives  d’une information continue fondée sur la puissance de l’image, la recherche de l’émotion (et du buzz par la petite phrase choc), la violence des débats ; dérives auxquelles n’échappe pas ce qu’on appelle encore « la grande presse ». Comme l’ensemble des médias, elle est soumise à la pression et aux « codes » des réseaux sociaux et des chaînes en continu : réactions en temps réel, primat de l’émotion pour capter l’attention et les « clics » etc. (« clics » dont dépendent les mesures d’audience et les revenus publicitaires). Et le phénomène est d’ampleur, au point qu’il lui arrive souvent de mettre en circulation de « vraies-fausses informations », le grégarisme et le conformisme de la profession l’amenant à reprendre la première mise sur le marché et à la faire « tourner en boucle ».

Un exemple parmi des centaines d’autres. Avant hier, Emmanuel Macron, devant un parterre d’artisans boulangers et de jeunes apprentis a prononcé, notamment, ces mots :

 

« La cohésion nationale, elle ne se ramènera pas en un jour, il faut beaucoup de détermination, d’humilité et de patience. C’est aussi un travail pour lequel chacun à sa part, je pense que cela est un moment essentiel pour la vie du pays»… «Il est important que chaque citoyen apporte sa pierre à l’édifice par son travail et par son engagement au travail. Notre pays ne pourra jamais retrouver pleinement sa force et sa cohésion sans cela… « Les troubles que notre société traverse sont aussi parfois dus, liés, au fait que beaucoup trop de nos concitoyens pensent qu’on peut obtenir sans que cet effort soit apporté. Parfois on a trop souvent oublié qu’à côté des droits de chacun dans la République – et notre République n’a rien à envier à beaucoup d’autres – il y a des devoirs», constate-t-il . «Et s’il n’y a pas ce sens de l’effort, le fait que chaque citoyen apporte sa pierre à l’édifice par son engagement au travail, notre pays ne pourra jamais pleinement recouvrer sa force, sa cohésion, ce qui fait son histoire, son présent et son avenir.»

Rien de scandaleux dans ces phrases ! Et pourtant, qu’ont retenu de cette intervention, le Figaro de madame Bastié, les autres médias (grands et petits)  ainsi que leurs commentateurs ? Ceci :

 

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Le Monde fait même mieux en illustrant ce montage d’une photo de Gilets Jaunes :

Petite phrase composée de petits bouts collés les uns aux autres, qui frise la fausse information et instille ainsi dans les mémoires « l’idée » que le Président de la République prend  les français pour d’indécrottables fainéants. De sorte que l’on est en droit de se poser la question, comme le fait J.F Khan, de l’irresponsabilité médiatique : « Pourquoi, à l’occasion de cette crise, qui nous interpelle tous, chacun, grands médias compris, ne mettrait pas ses erreurs sur la table ? ». Notamment la surmédiatisation de ce mouvement ;  surmédiatisation à laquelle s’ajoute le souci des élites politiques, mais aussi intellectuelles – pas toutes cependant, loin de là –, de ne pas désobliger les protestataires en leur opposant… une analyse rationnelle de la situation. 

 

Une telle dérobade est coupable pour au moins deux raisons. Premièrement, elle consiste à faire passer sa bonne conscience devant la vérité – donc le souci de soi avant celui du bien commun. Deuxièmement, elle est l’expression d’un vrai mépris de classe : « pas la peine d’expliquer, ils ne comprendront pas ! (l’analyse de Challenges ici).

 

Ce qu’il convient de constater enfin est que cette défiance n’est pas celle d’une seule catégorie de français. Les uns, nombreux chez les « GJ », font valoir que leurs problèmes, « leur vraie vie », ne sont jamais sérieusement traités par les médias, qu’il n’y en aurait que pour les questions sociétales (mariage pour tous, PMA, minorités etc.) – ce qui, globalement est incontestable – ; les autres, que les  informations délivrées par les  médias sont biaisées par un manque de rigueur dans la présentation et l’analyse des faits (pourtant le cœur de métier du journaliste). 

 

L’extension du domaine de la crédulité…

Contrairement à ceux qui prédisaient l’accès du plus grand nombre au savoir et la fin des croyances grâce aux facilités offertes par Internet, jamais comme dans notre société de l’information la crédulité de ses consommateurs ne s’est aussi bien portée. Pourquoi donc persiste-t-elle et pourquoi est elle encore plus dynamiques aujourd’hui ?

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