Comment ne pas aimer cette équipe de rêve ?
Sa. 14.10.2023.
Minuit !
Sa. 14.10.2023.
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Sa.30.9.2023
Ve.22.9.2023
Je.27.7.2023
23 heures 30 hier soir. Le vent était tombé. La nuit était calme et douce et j’écoutais, sur France Culture, la version radiophonique de « By heart » présenté au Théâtre National de Lisbonne, que Tiago Rodrigues joue depuis 10 ans, et qu’il vient de donner en clôture du festival d’Avignon dans la Cour d’honneur du Palais des papes. « Par cœur », c’est d’abord l’histoire émouvante de la grand mère de Tiago Rodrigues. Celle d’une vieille dame pauvre et travailleuse qui un jour lui demanda de reprendre tous les livres qu’il lui avait prêtés depuis des années. Âgée de 94 ans, elle perdait la vue, et cherchait un texte dont elle pourrait apprendre par cœur des extraits avant de devenir aveugle, pour continuer sa conversation secrète avec les faiseurs d’histoires. Mais qu’est-ce qu’apprendre par cœur, c’est-à-dire avec le cœur ; quel est ce lien si particulier qui nous accorde à certaines œuvres, s’interroge avec nous Tiago Rodrigues. Et ce en commençant par citer George Steiner pour tenter d’y répondre : « Apprendre par cœur, c’est entrer dans l’œuvre même : « tu vas vivre en moi et je vais vivre avec toi ». Ou encore : « Ce que nous apprenons par cœur, personne ne peut nous l’enlever. Ni la censure, ni la police politique, ni le kitsch qui nous entoure. » Tiago Rodrigues développe ensuite sa pensée en nous parlant de ses passions littéraires
: François Truffaut et Ray Bradbury, notamment. Et de Boris Pasternak, de ses démêlés avec le pouvoir soviétique et du poème de Shakespeare qui le sauva de la déportation, le Sonnet 30 : « Quand je fais comparoir les images passées, au tribunal muet des songes recueillis, je soupire aux défauts des défuntes pensées, pleurant de nouveaux pleurs les jours trop tôt cueillis »… À ce moment du spectacle Tiago Rodrigues convie sur scène dix spectateurs volontaires. Et nous les entendons se livrer à cet exercice d’apprentissage ; puis réciter séparément et ensemble ce splendide poème. Ainsi, peu à peu réalité, théâtre, Histoire, fiction, références ou citations tissent une profonde réflexion sur la beauté et la consolation que peut apporter la littérature ; sur la liberté et la résistance qu’elle oppose à toutes les tentatives totalitaires lorsque les livres sont à jamais inscrits dans les esprits. Il était minuit quand, bouleversé, j’ai retiré mes écouteurs et éteint mon iPhone. Le ciel brillait de toutes ses étoiles. J’entendais le bruit des vagues. Les yeux verts d’un chat noir étincelaient dans la haie de lauriers. Ma cabane était de tous les lieux où ce spectacle avait été donné. Et la voix envoûtante de Tiago Rodrigues , et ses mots prononcés dans un français magnifique, parfaitement maîtrisé, classique et coloré, désormais m’habitaient. J’ai aussi compris, un peu plus tard, qu’en portugais, « decorar » signifie « apprendre par cœur » et aussi « décorer ». Hier soir, loin d’Avignon et de Lisbonne, pendant une petite heure et pour longtemps, Tiago Rodrigues a décoré de sons, de mots et d’images tout ce que mon être intérieur est encore capable d’accueillir.