Elle était assise sous la véranda de ce bistrot du centre ville où je m’étais installé pour y boire une tasse de café noir. Je l’observais, élégante et rêveuse, caresser de ses longues mains les flancs d’une théière blanche tout à fait ordinaire. La froide lumière des néons accentuait la pâleur de son visage et donnait du relief à des traits d’une grande finesse.
Depuis des mois, je ne lis plus que des correspondances, carnets, journaux d’auteurs : Flaubert, Gide, Malaparte, Renard, les Goncourt … (dernier achat chez mon bouquiniste : Les carnets de la drôle de guerre de JP Sartre); nos grands moralistes aussi : La Rochefoucauld, La Bruyère… Lecture discontinue et fragmentaire qui me va, incapable que je suis, ces temps-ci, d’entrer dans un roman, un récit… Leurs sujets et leurs auteurs me lassant très vite : leurs premières pages, écritent à la mode journalistique, souvent suintent de bons sentiments. On croirait lire de longs éditoriaux : qui sont les traités de morale de notre temps.
Lundi dernier, était-ce le matin ou l’après-midi, je ne sais plus. Pour quelles raisons me suis-je retrouvé devant l’entrée du passage de l’Ancre, je l’ignore. Et pourquoi en son milieu discutaient trois personnes de ma connaissance, je le découvris plus tard. La plus ostensiblement visible des trois — de par sa vêture —, qui m’aborda, était un des prétendants à la première magistrature de Narbonne, un personnage fantasque et haut en couleur qui a le goût de vestes et de cravates uniformément teintées d’un bleu marial qu’on croirait tout droit sorties d’un magasin spécialisé dans l’habillement ecclésiastique.
Il faut bien le reconnaître, le Palais des Arts des Sports et du Travail a toujours fait l’objet d’un rejet esthétique, culturel et politique de la part des élus de droite et de gauche qui se sont succédé à la « mairie », et ce depuis des décennies, pour administrer cette Ville. Or il ne cesse de se dégrader au point d’être aujourd’hui entouré de hautes barrières de sécurité afin d’éviter que des plaques entières de « béton-armé » ne tombent sur la tête de curieux, touristes, promeneurs ou amateurs d’architecture « moderniste ». Monument classé, il ne peut être rasé ; de sorte qu’il me semble temps de se poser enfin la question de savoir qu’en faire, avec son parc, comment et avec qui.
Chaque matin, avant d’écouter ou de lire les nouvelles du jour — qui en réalité sont de la nuit — chacun d’entre nous devrait lire une « pensée » prise au hasard d’un nos grands « moralistes » : La Rochefoucauld ou La Bruyère, par exemple. Ils ont cette vertu en effet de n’en laisser aucune — vertu — exempte de sa part, plus ou moins grande, d’hypocrisie.