La matinée d’hier fut éprouvante. Il faisait très chaud, le vent de terre, violent, tapait sur les nerfs et je passais d’un grand magasin à l’autre dans une zone commerciale banale et, comme toutes celles qui encerclent et étouffent nos villes, d’une profonde laideur.
Ce jour là, un fort vent de nord ouest balayait la côte. Joseph savait que sa course quotidienne sur la plage et autour de la lagune serait une épreuve.
La première fois que je l’ai rencontré, il y a bien longtemps, je devais avoir une vingtaine d’années, c’était en compagnie de Simone, et c’était à Épinay sur Seine – ville dans laquelle, alors, nous habitions. Je me souviens aussi très précisément en quelle circonstance. Ce devait être un samedi matin, et il était assis, seul devant un verre de vin, à la terrasse du café-PMU de la Cité d’Orgemont.
7 heures ! Comme hier, il est à la même place, tout près d’une fontaine publique récemment installée. Il attend qu’on vienne le chercher. Il fume une cigarette en faisant quelques pas. Je l’imagine dans de lointaines pensées : celles du travail à venir ont encore du temps devant elles. Je sais que dans une heure environ il sera sur un chantier.
Hier matin, assis à la terrasse étendue d’un café sur la promenade des Barques, je goûtais le plaisir d’une vie sociale en partie retrouvée. Il y avait du monde autour de tables très animées ; sur de rares bancs des oisifs dans mon genre se tenaient serrés et sur la rampe du déambulatoire de petits groupes de jeunes gens campaient : ils riaient. L’air était doux sous les platanes du cours. Des promeneurs paresseusemment le montait ou en descendait. D’un détail, d’une apparence, j’en tirais des histoires, j’imaginais des vies. Un spectacle qui ne lasse jamais. Rien du bruit du monde alors ne venait le troubler. Seul comptait ce mirage.