Le sexe et la plume.

« Ce que nous devons absolument avoir, vous de la politique et nous les artistes, c’est l’amour du public », disait Charles Aznavour. La formule est jolie, quoique un peu lourde, mais très ambigüe. L’homme politique doit-il en effet aimer ou se faire aimer du public ? Ma fréquentation professionnelle, assez longue , de ce type humain très singulier m’amène à penser qu’en cela, à de très rares exceptions près cependant , il ne diffère pas trop de son frère chromosonique simien.Se faire aimer et , pour se faire, dominer, tel est son désir.Et tous les moyens sont bons pour satisfaire cette irrépressible pulsion, dans la conquête ou l’exercice du pouvoir, les plus anodins comme les moins avouables : petites flatteries, outrageantes promesses , racolages corporatistes, manipulations, faux espoirs… souvent enrobés d’un rien de vulgarité pour faire « peuple » . On ne suscite pas le désir, en s’adressant à la part rationnelle des cerveaux. En politique, comme dans l’entreprise…Mais aussi dans la plupart des médias où coulent, sans aucune pudeur, des « jets » d’encre et d’images…

Le parler-bas.

imageMiguel Torga, de son “ royaume merveilleux ”, la pauvre et secrète province de Trás-os-Montes, au nord-est du Portugal, était un écrivain-monde à qui on doit : « L’universel, c’est le local moins les murs
« . Il n’est pas nécessaire de beaucoup voyager , en effet, pour connaître et subir l’universelle bêtise des hommes. Comme la pomme de Newton, elle est irresistiblement  attirée vers le bas. Ainsi ai-je lu , en bas de chez moi, chez mon marchand de journaux, ces admirables paroles d’une éminence sénatoriale:  » Travailler avec Narbonne est difficile.Nous attendons que J.B… nous débarrasse de ces gens-là!  » Ah! que de noblesse et de grandeur dans :  » ces gens-là « . On se croirait revenu au temps des valetailles.Donnez du pouvoir à certains hommes, sous tous les cieux, et vous verrez la magnificence de leurs vertus se hisser vers des sommets d’imposture.

La guerre de Narbonne n’aura pas lieu.

Patrick Nappez, avec qui j’ai échangé quelques mots hier après midi, entre Hôtel de Ville et siège du Midi Libre, sur les prochaines élections municipales (il faisait froid, le vent était fort et il était pressé), juste après qu’il m’ait  fait remarquer que je chroniquais peu, me donnant ainsi l’occasion de le faire aujourd’hui, sur la politique locale, bref qu’il me trouvait un peu trop attaché à de trop vagues (et sans doute fumeuses) considérations philosophiques, est un journaliste «  réfractaire » au maire de Narbonne. Ce n’est pas moi qui le qualifie ainsi, mais son confrère de l’Express Jacques Molénat. Une observation que les lecteurs de P. Nappez, qu’ils éprouvent ou pas le même sentiment de vivre dans une cité aux mains d’un petit despote local en guerre permanente avec ses opposants, ne peuvent que vérifier quotidiennement dans ses « humeurs », ses « quatre vents » et ses « enquêtes ». Dire cela n’est donc pas, comme il me l’est reproché, un crime, un sacrilège, c’est un jugement de fait. Considérer, comme pour bon nombre de membres de sa profession, que sa conscience, son idéal, l’image qu’il se fait du journaliste me semble le porter à croire que sa plume serait là pour déjouer les ruses, démonter les leurres du pouvoir qui, par définition, ferait de la propagande ( ou de la Communication ), tandis que la presse, elle, dévoilerait la Vérité ( par l’Information ), n’est pas non plus un point de vue attentatoire à sa dignité. C’est une analyse que développe lumineusement Régis Debray, qui n’est pas un imbécile, dans  son bouquin « L’emprise » (page 70 et suivantes…) et qu’il  concentre dans une figure mixte qui lui paraît représenter le mieux cette nouvelle forme d’infaillibilité cléricale, celle d’un «  Rouletabille-Robin des Bois ».  Quant au fond du sujet, la compétition électorale prochaine, pour laquelle on s’étonne de ma prise de distance tout en relevant mes préférences, laissons les acteurs publics en présence jouer leur rôle. Qu’ils déploient leurs talents, leurs arguments et leurs programmes pour enlever, convaincre ou séduire une majorité d’électeurs. Cette faiseuse de rois, bien désirable,certes, mais qui, comme l’Hélène de Troie, ne mérite pas une guerre, tout de même… En démocratie, le respect de la dignité des hommes et des femmes qui sollicitent le sufrage des citoyens devrait-être le principe moral minimun garanti, non ? Et puis, il y a tant de choses à faire et à penser dans ce monde! Avant comme après Mars…

Les banlieues où on brûle des livres.

undefinedDans un ouvrage téléchargeable sur le site de la vie des idées, Denis Merklen et Numa Munard nous livre leur analyse sur la nature de ces émeutes urbaines à l’occasion desquelles leurs protagonistes mettent le feu aux bibliothèques. Je les cite:“D’une part, elle doit être observée dans le cadre des conflits entre l’État et les classes populaires et, d’autre part, comme faisant partie des clivages qui divisent les classes populaires, y compris et surtout à l’intérieur de ce que l’on appelle les banlieues”. La puissance explicative de cette hypothèse formulée dans le style marxo-pompier des années 60/80 est en effet manifeste. De sorte que,si « on” ( c’est à dire les jeunes!!! ) met le feu aux caves, aux voitures, aux poubelles, si « on » incendie les bus et brûle les livres et les filles, ce serait donc , pour reprendre une autre de leurs perles, parce qu’ils représenteraient  » aussi un objet social dont on se sert pour tracer des frontières entre les groupes et les catégories ». Voillà ce qu’aujourd’hui on publie dans la République des idées pour nous aider à comprendre ce qui, dans l’Allemagne hitlérienne, était une pratique courante des sections d’assaut ( les  S.A de sinistre mémoire ) lumpen-prolétarisées…Franchement nul,on se croirait quarante ans en arrière,en première année de socio à Vincennes…

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