Devant cette enseigne, j’y suis passé maintes fois. Sans la voir! L’esprit ailleurs, dans cet état propice à toutes les divagations que procure souvent une marche sans autre but qu’elle même. Pourquoi donc m’a-t-elle saisie hier matin, alors que je faisais mon tour de ville habituel?
Emmanuel Macron donne un entretien exclusif dans 1 Hebdo. Un entretien, comme le reste de ce numéro très intéressant. Et des « chiens de garde » de la vieille pensée socialiste, toujours à l’affût des moindres mots de celui qui, à leurs yeux, incarne au sein même de l’exécutif « l’ennemi de classe », ce qui, pour des militants et des élus issus pour la plus grande majorité d’entre eux de la « fonction publique », au sens large du terme, ne manque pas de piquant, trafiquent son propos, le présentent comme étant plus royaliste que démocrate et se proposent de l’envoyer tout simplement à « la Lanterne » (Expression tirée d’une chanson révolutionnaire bien connue : « Ah, ça ira, ça ira, ça ira, les aristocrates à la lanterne… ». Les lanternes en question étaient des réverbères, qui étaient utilisés comme gibets pendant la Révolution : on y pendait, sans autre forme de procès.)
Je reprends ici, in extenso, la « critique » de mon ami blogueur Argoul (son site est ici ) du petit – 122 pages à peine – mais passionnant, livre de Clément Rosset: Principes de sagesse et de folie. Un peu de respiration philosophique, en compagnie d’Horowitz à l’écoute, ne peut pas faire de mal en ces temps troublés…
Voici un philosophe du réel, qui se méfie de l’illusion. Il croit avec Parménide que «ce qui existe existe, et ce qui n’existe pas n’existe pas».
L’être humain est condamné à la seule réalité : être, c’est ne rien être d’autre, exister ici et maintenant. Il ne peut changer les choses, faire que ce qui est advenu n’ait pas eu lieu. «Mais que diable allait-il faire dans cette galère ?» se lamente Géronte, dans Les Fourberies de Scapin.
Le tragique est de s’apercevoir de l’enchaînement des conséquences – mais trop tard- et de l’accepter, puisqu’on ne peut pas faire autrement. Le sentiment de l’existence est «un coup de foudre , le «sentiment fulgurant d’une présence».
Clément Rosset analyse trois modes d’appréhension affective de l’existence : la nausée, la jubilation, la surprise.
En ce temps de massacres perpétrés au nom d’un islam dévoyé, il n’est pas inutile de se remémorer la figure et la pensée d’Abd el-Kader. Un personnagequi incarne à lui seul une autre voie de l’Islam, en total désaccord avec le salafisme et ses surgeons dévoyés qui aboutissent au terrorisme par un jeu de réductions mortifères.
Note de lecture de Jean Senié à propos de l’ouvrage d’Ahmed Bouyerdene, Abd el-Kader, l’harmonie des contraires, Paris, Seuil, 2008, p. 220-221. 21,30€:
« Le personnage d’Abd el-Kader ben Muhieddine est surtout connu pour sa résistance à la conquête de l’Algérie entre 1832 et 1847. Or, si cette image de l’émir correspond à la réalité, elle n’épuise cependant pas la richesse de celui-ci. A l’occasion de la parution de la note de la Fondation pour l’Innovation politique, L’humanisme et l’humanité en islam, il est opportun de revenir sur le livre d’Ahmed Bouyerdene, Abd el-Kader, l’harmonie des contraires, écrit au moment du bicentenaire de sa naissance. Les deux ouvrages s’éclairent réciproquement et enrichissent mutuellement leur propos.
L’humanisme et l’Islam : le paradigme Abd el-Kader
Sans reprendre l’intégralité de la note d’Ahmed Bouyerdene, il est utile de revenir sur sa mise en exergue d’Abd el-Kader. Nous pouvons ainsi citer le propos de la page 38 : « au milieu du XIXe siècle, Abd el-Kader a préfiguré une approche équilibrée entre principes anciens et modernité. Politique et mystique, sa pensée et son action puisent dans une vision globale, et même parfois inspirée des événements de son siècle. Lucide face à l’impermanence des choses, il ne perd jamais de vue que l’histoire est une scène où se joue un dialogue constant entre volonté divine et destin de l’humanité ». Ces phrases entrent en étroite résonnance avec les dernières pages du livre consacré à Abd el-Kader. Au-delà d’un simple écho, il faut voir dans ces paroles la volonté de mettre en avant la figure du sage, de proposer un véritable modèle abd el-kadérien.
Avant d’explorer le livre, revenons ainsi brièvement sur la note. Dans cette dernière, l’auteur développe l’existence d’un humanisme propre à l’Islam, lequel s’inspire notamment de la tradition soufie. Celle-ci n’est pas synonyme de l’humanisme occidental, avec lequel elle aurait davantage un « air de famille », mais elle est spécifique en ce sens qu’elle se fonde sur une aspiration spirituelle comme moyen pour l’homme de s’accomplir dans son entière dignité. C’est une manière de dépasser l’antinomie possible entre humanisme et humanité lorsque l’humanisme se dégrade en culte de l’homme. Or, l’ouvrage consacré à la figure d’Abd el-Kader vient justement illustrer ce propos, et ce, non pas à l’échelle d’une unique action individuelle, mais à l’échelle de toute une vie.
Un livre de spiritualité
Nous l’avons déjà mentionné, mais il convient de le rappeler, il n’est pas ici question d’un livre qui envisagerait la figure de l’émir sur le plan militaire, ni sur le plan politique en la réinsérant dans le cadre plus large de la conquête de l’Algérie, d’une histoire transnationale à l’échelle de la Méditerranée ou encore dans la mouvance des colonial studies. Ce qui constitue l’originalité du livre et de la recherche tient au caractère spirituel du personnage. On découvre ainsi qu’Abd el-Kader, loin de n’être qu’un héros de la résistance algérienne et un précurseur de l’Etat algérien, est aussi un homme profondément spirituel pour qui la religion a constitué l’essentiel de la vie.
On apprend ainsi qu’il est le fils d’un maître soufi respecté, grand lecteur du penseur et poète Ibn Arabî dont l’œuvre constitue un des sommets de la spiritualité musulmane du XIIIe siècle. La question de l’ascèse est ainsi pour lui une question centrale, et ce tout au long de sa vie. De la sorte, le combat qu’il mène en tant qu’émir reçoit un traitement original comme forme de continuation d’une certaine forme d’ascèse.
Peut-être plus intéressant, en tout cas moins connu, est le chef d’œuvre que laisse Abd el-Kader, Le Livre des Haltes. Ahmed Bouyerdene rend compte de l’importance de ce texte, « publié une vingtaine d’années après sa mort ». L’émir s’y essaie au genre de l’autobiographie spirituelle et revient sur les « degré de réalisation » de son être. Il est émouvant de retrouver dans la vie de celui qu’une image d’Epinal avait réduit à un guerrier, certes valeureux mais avant tout préoccupé de stratégie, les préoccupations du savant ou plutôt du sage, du mystique. D’autant que celles-ci se font dans une optique universelle. On rappellera à cet égard le comportement d’Abd el-Kader qui en 1860, se démène pour protéger avec ses fils la communauté chrétienne de Damas au cours de violentes émeutes.
Un message abdelkadérien
Ce que déplore l’auteur, c’est justement le fait d’avoir passé par pertes et profits, et surtout par perte le message abdelkadérien. L’auteur, avec Eric Geoffroy et Setty G. Simon-Khedis, a d’ailleurs publié un ouvrage intitulé Abd el-Kader, un spirituel dans la modernité. C’était justement selon lui une manière adéquate de promouvoir une modernité non pas compatible mais en osmose avec l’Islam et sa spiritualité. C’était aussi une manière de promouvoir une image de l’homme plus digne.
On se contentera de remarquer à ce stade que l’ouvrage, s’il apporte un grand nombre d’informations sur la vie de l’émir, ce dont témoignent d’ailleurs un ample appareil critique et une abondante bibliographie, n’est pas une biographie historique mais une réflexion spirituelle sur une pensée mystique. En ce sens, l’ouvrage contribue à une méditation enrichissante au sein d’un courant de pensée trop ignoré de l’Islam… »
Tu vois un homme curieux, et empressé après des choses étrangères qui ne sont point en notre pouvoir ; sois bien sûr qu’il est causeur et qu’il ne taira jamais ton secret. Il ne faudra point approcher de lui la poix ardente, ni la roue pour le faire parler. Un clin d’oeil d’une fille, la moindre caresse d’un courtisan, l’espérance d’une dignité, d’une charge, l’envie d’avoir un legs dans un testament, et mille autres choses semblables lui arracheront ton secret, et sans beaucoup de peine.
Épictète: « Pensées et Entretiens. » iBooks. Page 399 !
Picasso Pablo (dit), Ruiz Picasso Pablo (1881-1973). Paris, musée national Picasso – Paris. MP72. Partager :ImprimerE-mailTweetThreadsJ’aime ça :J’aime chargement… […]