Contre-Regards

par Michel SANTO

Après le festival Trenet, les Barques ont une sale mine ce matin…

 

 

 

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Dimanche, c’était la gueule de bois sur les Barques. Aujourd’hui encore, leurs mines sont tristement grises; et très sales de surcroît ( au sens propre et au sens figuré ! ) . A peine joliment rénovées dans un esprit que Trenet lui même aurait grandement apprécié : légèreté et finesse des formes, qu’on leur fait affronter trois soirs de tempêtes festives abondamment arrosées . Aussi intelligent qu’envoyer un tanker sur l’étang de Bages !… Résultat, les   » Barques de Cité « , notamment, ont pris en trois jours dix ans d’âge, et son prestigieux revêtement versaillais à désormais l’apparence d’une vulgaire toile cirée d’après noces… Du gras, des tâches d’huile partout,  comme sur certaines côtes bretonnes… Je pousse un peu loin le bouchon pour faire image, mais quand même, après le reflux de la mer festivalière, bonjour les reliefs… Va falloir nettoyer et réparer tout çà ! Mais à quel prix ? Se rend-t-on compte que les Barques n’ont pas ainsi été refaites pour recevoir d’un côté,  une fausse copie de la Féria de Béziers, et, de l’autre, une vraie  imitation du Grand Cabaret de Patrick Sébastien – Si contraires toute deux à l’esprit ( à la santé aussi ) des lieux, comme à celui du grand Charles… Ou alors, si on y tient pour des raisons qui m’échappent ( pas tout à fait, soyons sérieux ), qu’on les déménage et les débaptise… au stade ou à Montplaisir ! et avec tout le reste, dont j’ai déjà parlé, dans mes chroniques précédentes, faire vivre,  sur ces nouvelles Barques, un authentique festival Trenet …

Le festival Trenet aurait pu être un jardin extraordinaire !

 

 

 

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Ah ce festival Trenet !  C’était  hier son dernier jour. On se reposait de la veille dans le salon de thé ( T est son nom! ) de la rue de l’Ancien Courrier, sur le coup des 16 heures. Une réussite cette reconversion d’un ancien magasin de fringues. Elégant, de style design et british, mais confortable, on y est aimablement accueilli et les pâtisseries sont excellentes. Il fallait oser, et les propriétaires du lieu l’ont fait. Chapeau ! Je goûtais donc une tarte au citron, dans cet havre de paix, quand une horde de fous furieux tapant sur d’énormes tambours a envahi mon espace vital : le sonore. J’ai cru, sur le moment, me retrouver à la braderie de Lille, les moules frites en moins, ou a Copacabana, sans ses affolantes danseuses de samba … Douce France , Narbonne mon amie, me disais je, que sont devenus l’ombre de tes tours et tes barques tranquilles…  Que le monde change ! À observer les suiveurs de ces colonnes tambourinantes se tapant sur les cuisses on finit  par se dire que l’avenir de l’homme est hélas dans cette représentation d’hystériques automates… Mais qui donc a eu cette délirante et anachronique idée?  A part ça, quelle agréable surprise sur les Barques  de Cité de 18 à 20 heures ! Paris Combo : quatre musiciens et une chanteuse, tous formidables. Des rhytmes jazzy ,  latino … une guitare manouche; des textes rafraîchissants… quel bonheur ! Et un public enthousiaste qui sans cesse  en redemandait … Le festival Trenet se tenait là, comme tant d’autres représentations, aux marges de la grande scène du cours Mirabeau où, comme hier encore, se donnait du lourd, du très, très très lourd … Du B.B.C ( Boyer, Berbères, Coll ) :  The Voice … Debout, que j’aurais bien vu place de l’hôtel de ville dans une version plus intimiste… et Annie Cordy ! Du frais, du poétique… à la façon de Patrick Sébastien…comme à la télé. Enorme succès ! des barques côté Bourg bourrées !  Je peux en témoigner , j’étais sur les barques aussi, mais du côté Cité, accoudé au stand des Centurions déguisés en 118.218 : la pub ! Elles étaient pleines aussi, mais plus concentrées autour des fontaines à sangria… Un peu ailleurs que dans les étoiles qui filaient sur la grande scène, je me suis surpris à rêver d’un festival plus léger, plus accordé à l’esprit de son inspirateur. Oh! il suffirait de pas grand chose, d’un peu d’imagination seulement. Garder les mêmes, mais sans Aznavour, Boyer, la  » production René Coll  » et ses amis… Moins de tambours et un peu plus d’élégance. Quelque chose qui pourrait ressembler à un jardin extraordinaire… 

L’esprit de Charles, avec Lou Salomé, a hélas quitté le festival Trenet !?

 

 

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Joli moment en compagnie d’une jolie chanteuse et de ma jolie petite famille à la terrasse du Ramblas Café , place des Quatre Fontaines. Lou Salomé chante comme on aime entendre une voix: la grâce et la sincérité mélodieusement s’y mêlent. Entre deux airs, on entendait même  l’eau couler ! Comme sur une île, le public attentif et ravi goûtait un peu de l’esprit de Trenet. Son élégance, sa légèreté musicale et poétique, sa joie de vivre nous avaient donné rendez vous avec Lou et son guitariste tandis qu’après la nuit venue sous une lune voilée ( on la comprend! ) nous soit tombée sur la tête une infernale tornade de décibels. J’ai même aperçu, de la table de la  » Jument Verte «  où je dînais, des fantômes de  » poilus  » s’échapper du monument aux morts encerclé par des cabanons associatifs et une titanesque  » Grande Scène « . Mon voisin s’est même inquiété de ces beuglements de  » sirènes d’alertes « . J’ai tenté de le rassurer en lui disant que c’était sans doute le tournage d’un film catastrophe, pour disserter ensuite sur Séville, son campo, ses parfums d’oranger, ses bodegas et ses verres de Fino … Loin, très loin, là encore, de Narbonne , son cours, ses stands, ses odeurs de frites et ses bocks de bière. Je sais , je sais , j’exagère et suis, par tempérament, d’esprit romantique: une faute de goût évidente en ces temps barbares. Comme celle d’évoquer celui de Charles ! Que j’ai fini par trouver sur le coup de 22 heures 30, place  » Digeon « , au village du Grand Narbonne. Désert ! les producteurs de vins de la région y broyaient du noir, en silence … Ah! que j’eusse aimé entendre Lou à ce moment là…

Bronca historique au festival Trenet !

 

 

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Au théâtre, scène nationale, de Narbonne, hier soir, une bronca digne des arènes de Pampelune. Les reliefs du dîner en moins sur les têtes des organisateurs et de leurs invités du premier rang de cette  » carte blanche à Charles Aznavour. «  Pleine comme un oeuf, j’y étais, chauffée par une communication surpuissante et une attente de plus d’une heure – les places n’étaient pas réservées -, la salle a fait Boum, boum, boum !!! Cris, sifflets, gestes agressifs, mouvements de foule vers les rangées municipales, remboursements demandés, horions… Du jamais vu à Narbonne en ces étés du Festival Trenet ! On attendait le grand Charles, et on vit arriver d’abord un grand pitre qui pendant 20 minutes nous fit la promotion de la Sacem ( oui ! ), d’illustres inconnus de ses amis ( paraît-il dans la salle ! ) de la clique des pipeuls de service et de leurs derniers ouvrages ( Monfort en tête de gondole ! ) de la famille Eglessies ( formidable, formidable ! ) et enfin, en point d’orgue, un hymne brejnevien à la gloire de Jacques Bascou et de sa femme. Je le dis vraiment sans aucune acrimonie de principe envers le maire et son équipe: la honte, pour eux, m’est venue aux joues. Excédé, le public manifestait, mais rien n’y fit ! A croire que cet individu était sous l’effet d’une herbe hallucinogène.  » Va y avoir de la joie !  » finit-il par lâcher… et la suite fut en réalité un long et pénible calvaire. Des chanteurs déprimés sortis de je ne sais où bourrés d’un mal de vivre à faire hurler de rire un fan de Philippe Léotard ( je le suis ! ) et enfin, à la fin des fins qui n’en finissait plus , au bord de l’explosion et au milieu d’un vrai déménagement scénique, la miraculeuse apparition du grand Charles commençant par nous expliquer qu’il était fatigué, qu’il avait perdu ses boutons de manchettes, sa voix et le reste, pour nous planter trois ( pas quatre! ) petites chansons platement chantées et quatre ( pas trois ) magnifiques couacs. Pathétique!  A ma gauche, une famille d’espagnols amoureux de Trenet et d’ Azvavour réclamait qu’on coupât la queue et les oreilles aux organisateurs de ce pitoyable spectacle: la seule note d’humour de cette soirée. C’est dire, s’il y avait de la joie, hier soir à Narbonne au festival Trenet !