Je suis assis en première ligne à l’une de mes habituelles terrasses de café. Celle des samedis et des dimanches matin d’été. La seule à l’ombre. Sur ma table, un crème, un biscuit et une baguette de pain achetée chez Anatole. Aux Halles. Idéalement placé, j’observe avec curiosité les nombreux passants qui s’y rendent. En touristes ou pour y faire leurs courses. Un couple aux dimensions éléphantesques s’en détache. Ils s’installent bruyamment derrière moi. Leurs vêtements sont informes et douteux. Ils transpirent abondamment. Je sens leur odeur âcre et piquante. Lui agite l’air de ses bras, elle scrolle frénétiquement. Ils gesticulent, crient, réclament le serveur long, fin et droit occupé à la table voisine. Qui, imperturbable, finit sa commande et pénètre dans cette énorme bulle de vulgarité. Sans obtenir de réponse à son bonjour digne et professionnel. Une leçon de sang-froid. Un modèle de patience. Indigné, je me lève et le suis jusqu’au comptoir. Je veux qu’il sache que je suis blessé par tant de brutalité, d’insolence. Les yeux bas, un léger sourire en coin, il me dit, résigné : « c’est ainsi tous les jours, toutes les heures… »
Au moment de la quitter, ce soir encore, je l’ai embrassée en glissant mon cou sous ses narines. Elle aime les fragrances de lavande vanillée qui s’en dégagent. Et j’aime l’entendre dire alors, le souffle court, les yeux clos mais vivants : « tu sens bon ». Son visage alors timidement s’éclaire.
Il est 18 h30 et dans quelques minutes un aide-soignant ponctuel et méthodique lui apportera un insipide plateau-repas. Elle n’en prendra, servie par sa fille, qu’un petit bol de soupe de carottes ; puis elle avalera ses médicaments concassés et mélangés dans une cuillerée de compote. Comme tous les soirs depuis le 21 juin…
Je 7.11.2024 Galley au café. C’est une habitude. Devant mon premier café, je lis une ou deux pages d’un Journal littéraire. J’ai donc ouvert ce matin celui de Matthieu Galey. Pourquoi ? Parce que je […]