Contre-Regards

par Michel SANTO

A propos des vaches.

 

 

 

 

Je terminerai sans doute ce soir l’ « A propos des vaches », de Benoît Duteurtre, paru en 2000 aux Belles Lettres. J’aime, en effet, lire à contretemps. Une façon, la mienne, d’échapper à une actualité littéraire qui, comme l’autre, nous noie quotidiennement dans le vulgaire et l’insipide à l’image de la grotesque et minuscule manifestation de soutien au cruel duo d’histrions Guillon-Porte. A la page 143, donc, je lis ceci :

« J’écoutais des disques et regardais dans les flammes qui crépitaient dans la nuit, tout en feuilletant les Histoires naturelles de Jules Renard : « Elle s’appelle simplement « la vache » et c’est le nom qui lui va le mieux.

D’ailleurs, qu’importe, pourvu qu’elle mange !

Quoiqu’elle vive seule, l’appétit l’empêche de s’ennuyer. Il est rare qu’elle beugle de regret au souvenir vague de son dernier veau. Mais elle aime les visites, accueillante avec ses cornes relevées sur le front, et ses lèvres affriandées d’où pendent un fil d’eau et un brin d’herbe. »

Pour me plonger illico dans la suite de ce portrait symbolique chez Renard lui-même, page 21, qui finit ainsi :

 « Les hommes, qui ne craignent rien, flattent son ventre débordant ; les femmes, étonnées qu’une si grosse bête soit si douce, ne se défient plus que de ses caresses et font des rêves de bonheur.

Elle aime que je la gratte entre les cornes. Je recule un peu, parce qu’elle s’approche de plaisir, et la bonne grosse bête se laisse faire, jusqu’à ce que j’aie mis le pied dans sa bouse. »

Je vous laisse découvrir le paon, page 13, et les dindes, page 8…



Oublier,choisir et penser à Madrid!

L’évènement estival dans le domaine des arts photographiques est à Madrid. C’est à une française que nous le devons: Claude Bussac, née à Narbonne en 1963, directrice de La Fabrica, bras armé du festival et entreprise de gestion culturelle privée (3,30 Millions d’euros de budget cette année, un peu moins que les Rencontres d’Arles).

74 lieux d’expositions où on y trouve : « des icônes poignantes de Dorothea Lange à celles, glamour et arrogantes, d’Annie Leibovitz, juste en traversant la Calle de Alcala. Des photographies peintes avec une minutie narcissique par Gerhard Richter (Fundacion Telefonica) aux jeunes talents sud-américains un peu brumeux (Instituto Cervantes), juste en remontant la Gran Via. Sous l’avalanche de clichés, la marche à l’ombre permet de penser, de comparer, de se souvenir, d’oublier, de choisir. »

 

 

 

Manzanar, California, grand-père et petit fils, 3 juillet 1946, quand les Japonais d'Amérique sont emprisonnés après Pearl Harbor, reportage inédit de Dorothea Lange. (Dorothea Lange)

 

 Manzanar, California, grand-père et petit fils, 3 juillet 1946, quand les Japonais d’Amérique sont emprisonnés après Pearl Harbor, reportage inédit de Dorothea Lange. (Dorothea Lange)

Carolina Martínez

« Hola soy Carolina Martínez …A través de mis imágenes intento vertebrar un mundo de sentimientos y emociones; hablar sin palabras, hablar con imágenes. Todas mi trabajo es fruto de un momento, de un disparo espontáneo que intenta recoger toda la carga emocional y escondida de las situaciones que me encuentro. »

De l’air et du pothos

 

Qu’y a-t-il de commun entre le pothos ou lierre du diable, le dragonnier de Madagascar ou dracaena, arbuste d’origine tropicale, et le chlorophytum, ou plante araignée ? Un effet « air propre». C’est l’Agence pour le Développement et la Maîtrise de l’Energie (ADEME) qui nous le confirme sur des airs de pipeaux : cocorico (!), nos chercheurs venant de confirmer l’effet épurateur de ces trois plantes au sein d’un petit cube confiné dans lequel ils avaient injecté des polluants. Lierres du diable et plantes araignées, que Monsieur Borloo devrait imposer par décret à tous les étages de tous les hôtels de notre chère République. On y respirerait mieux !

De la prévention des conflits d’intérêts.

 

 

 

Qu’est ce qu’un conflit d’intérêt ? C’est la situation dans laquelle une décision prise par un acteur public peut avoir un impact direct ou indirect sur sa propre situation financière ( un ministre, un président de conseil régional… un maire attribue un marché public à une société dirigée par un membre de sa famille) ou la situation dans laquelle une décision publique peut être influencée par ses propres intérêts (un député qui serait conseil d’une entreprise, qui aurait intérêt à ce qu’une disposition législative soit adoptée).

Une question qui s’est posée dans les domaines sanitaires où des experts consultés pouvaient donner des avis sur la décision de mise sur le marché d’un médicament tout en étant rémunéré comme conseil par le laboratoire qui produisait ce médicament. Un risque désormais encadré par des « déclarations d’intérêts » rendues publiques.

 Ce que révèle « l’affaire Woerth », quoique l’on puisse penser de son «exploitation politicienne», c’est l’urgence à mettre en place ce genre de dispositif préventif dans le domaine politique. Un domaine où les tentations et les complicités de toute nature excitent les passions humaines : volonté de puissance, esprit de lucre et solidarités de clan, entre autres.

Depuis 1990, les élus sont soumis à une déclaration de patrimoine. Il serait désormais d’utilité publique de les soumettre, ainsi que les ministres et certains hauts fonctionnaires, à une déclaration publique d’intérêt et de vérifier, devant une commission ad-hoc, d’éventuels conflits d’intérêts.

Il a fallu des morts humaines pour que les pouvoirs publics imposent aux collectivités et aux particuliers des « plans de prévention des risques d’inondations ». Il serait temps qu’ils s’imposent à eux même les mêmes contraintes pour les risques juridiques et  » moraux  » liés à leurs fonctions. Et ce avant de compter les « morts » symboliques sur lesquelles l’opinion projettera l’ensemble de la classe politique du pays. Pour le plus grand profit, évidemment, des extrémistes de tout poils. Rouges ou bruns…

Ouvrir les yeux quand il est temps.

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J’ouvre, au hasard (qui sait ?), « L’homme de cour » de Baltasar Gracian (éditions Champ libre 1980) et je tombe sur ceci, page 139-140 : « Tous ceux qui voient n’ont pas les yeux ouverts ; ni tous ceux qui regardent ne voient pas. De réfléchir trop tard, ce n’est pas un remède, mais un sujet de chagrin. Quelques-uns commencent à voir quand il n’y a plus rien à voir. Ils ont défait leurs maisons et dissipés leurs biens avant que de se faire eux-mêmes. Il est difficile de donner de l’entendement à qui n’a pas la volonté d’en avoir, et encore plus de donner la volonté à qui n’a point d’entendement. Ceux qui les environnent jouent avec eux comme avec des aveugles, et toute la compagnie s’en divertit ; et d’autant qu’ils sont sourds pour ouïr, ils n’ouvrent jamais les yeux pour voir. Cependant, il se trouve des gens qui fomentent cette insensibilité, parce que leur bien être consiste à faire que les autres ne soient rien… » Ecrit par le grand jésuite en 1646, ça vaut bien l’édito du « Monde » de demain, non ?