Contre-Regards

par Michel SANTO

Le grand style à Narbonne.

Le code civil n’a pas qu’une valeur normative.Stendhal en admirait aussi le style: sa simplicité et sa rigueur. Une forme de perfection qu’il aurait aimer donner à ses romans. Ce dont se contrefichent aujourd’hui nos élus et leurs « nègres »qui écrivent souvent comme ils pensent.Vite et ,en général, mal. Une lettre pêchée dans cet océan de nullité épistolaire pour illustrer mon propos.Celle de Jacques Bascou à ses administrés. Datée du 30 juillet et référencée:Direction générale JB/AP/ASR n°35, elle nous informe que « La jeunesse  » , dont je pensais naïvement qu’elle était ce temps de vie entre l’enfance et l’âge adulte n’était plus à présent qu’un  » axe prioritaire de la politique municipale… » , c’est à dire, en bon français, qu’une orientation, une direction générale, une ligne droite…; qu’ était joint à ce texte ( ?!!! ) non pas une brochure ou une plaquette recensant divers organismes, mais  » un fascicule qui indique les associations...  » . Le tout, enfin si peu, cent mots peut-être, truffé de fautes de ponctuation à chaque ligne et orné d’une magnifique faute de conjugaison:  » Au contraire nous avons souhaitez (sic)… », qu’un final digne d’un opéra wagnérien : » Si néanmoins ces dispositions ne vous satisferaient pas… »  ( Ou-ah!)  place désormais au panthéon de la bafouille administrative.
Le style étant l’homme lui même, je conseille à notre rédacteur et à son signataire d’y prendre garde à l’avenir. Par respect. Celui qu’ils devraient tout naturellement témoigner à l’égard de leurs administrés.

Grand Narbonne et développement durable.

Depuis la mise en place des Schéma de Cohérence Territoriale ( SCOT ), les élus ont la maîtrise urbaine de leurs territoires, pour peu, évidemment, que les lois de la République soient respectées. Et c’est au président des syndicats mixtes  » gérant  » ces SCOT de vérifier que chacune des communes couvertes par ce schéma d’aménagement respecte bien les objectifs et contraintes que les élus se sont collectivement et solidairement données. A Gruissan, la plus belle des stations balnéaires du littoral audois, il semble bien que l’on ait quelques difficultés à maîtriser ( ne fâchons personne pour le moment ) cette nouvelle donne politico-administrative. A preuve, cette modification du Plan Local d’Urbanisme qui, si des résidents-citoyens ne s’étaient pas mobilisés, leur aurait imposé un hôtel de 4 ou 6 étages en lieu et place d’un espace de loisirs et d’un parking arboré pour camping-cars. Cette initiative a , du coup, enclenché une réaction de l’Etat, avec copie au commissaire enquêteur, demandant à Didier Codorniou, le maire de Gruissan, de lui fournir la preuve que l’ensemble de ses projets immobiliers ne dépassaient pas les 50.000m2 de SCHON autorisés sur sa commune par le SCOT… Ce qui, d’après quelques indiscrétions émanant de « sources officielles », lui sera difficile pour ne pas dire impossible. Pour l’heure, le Président du SYCOT de la Narbonnaise et ses services, sans doute en vacances, ont oublié leurs responsabilités et se taisent. Quant à la presse locale, plombée par une grosse chaleur estivale, son esprit est dans l’animation festive plutôt que dans ce genre de débats citoyens forcément abscons. Autant dire que le développement durable, quand il pose de sérieux problèmes d’arbitrages pratiques, n’intéresse plus nos élus et les médias… J’aimerais tant être rapidement contredit…Pour tout aussi rapidement le faire savoir!

Garcia Lorca sur les murs de Narbonne.

 

 

 

Sur le mur d’un bâtiment public de la ville de Narbonne, on peut lire, dans sa version espagnole et sa traduction française, un poème de Fédérico Garcia Lorca. Qui le lit, personne ou presque? Jusqu’à ce qu’un  » poète  » du lieu, sur les conseils d’un  » lettré « , s’en avise pour nous signaler une grossière erreur de traduction de  » l’ancienne municipalité « . Et d’en appeler à la nouvelle pour que Garcia Lorca  » ne soit pas assasiné une deuxième fois « . Bref, une petite cuistrerie enrobée d’une vilaine sauce politicienne, mais qui a le mérite de surtout souligner les limites poétiques de nos deux compères. Car à gloser sur  » la rana  » ( la grenouille ), qui serait  » gênante  » au lieu de  » rama  » ( la branche ), qui serait elle plus seyante, du coup on tue bel et bien la lettre et l’esprit du poète andalous.
Concluons donc par ce petit bijou poétique, écrit le 12 juin 1921.

 » La lune s’en va sur l’eau
Comme le ciel est serein!
Elle fauche lentement le frisson du fleuve ancien
Cependant qu’une rainette la prend pour miroir à la main « 

PS: On trouvera ce texte dans Poésies IV, Gallimard édition de poche, page 40.

La noblesse de l’esprit, un idéal oublié.

Extrait de l’ouvrage de Rob Riemen: «La Noblesse de l’esprit, un idéal oublié», NiL, 192 p., 17 euros.

«Grand est le manque d’intégrité intellectuelle. Grande est la trahison des intellectuels. Sont-ils étonnants, ces manquements de la civilisation occidentale ? Pourquoi ? Pourquoi ce nihilisme ? Pourquoi cette trahison de la noblesse de l’esprit ? La tentation du pouvoir est une première raison : être enfin influent, être enfin écouté, voire admiré. Rien ne rend plus dépendant que le pouvoir et la gloire. Et pour les conserver, pour rester l’idéologue d’un parti ou un leader d’opinion, un porte-parole du « on », il faut en permanence s’adapter. S’il est un endroit où règne le conformisme, c’est bien chez les intellectuels politisés. Perdre en pouvoir et en influence en faisant montre d’indépendance d’esprit, voilà qui ne peut qu’emplir ces réalistes d’effroi.Pour le pouvoir politique, on abandonne le monde de l’esprit. L’excuse étant qu’il ne s’agit pas d’interpréter le monde, mais de le changer ! Finissons-en avec l’injustice ! Mais, comme le remarque avec justesse Benda dans son traité sur la trahison des clercs, de grands esprits tels qu’Erasme, Spinoza ou Kant sont toujours restés fidèles à l’esprit et à leur propre indépendance. Ils n’avaient pas l’orgueil de vouloir libérer l’humanité de tous ses maux, mais ils sont restés fidèles à leur obligation de faire perdurer la conscience de ce qui est bon. La connaissance du bien et du mal, la conscience des valeurs et de la dignité étaient préservées. N’est-ce pas là une justification suffisante à l’existence des intellectuels ? Pour beaucoup d’entre eux, apparemment pas : « De nos jours, les écrivains sont exposés à une nouvelle tentation : celle de pouvoir vivre largement en donnant leur sentiment sur des sujets dont ils ne savent rien », observait Stephen Spender en 1951. Quelque chose a-t-il changé depuis ?»

La Poste dans la langue de bois…

La langue de bois est une forme d’expression qui,en politique surtout, vise à dissimuler une incompétence ou une réticence à aborder un sujet en proclamant des banalités aussi abstraites que pompeuses.Celui de l’opposition au changement de statut de La Poste offre un terrain d’excellence à ce genre d’exercice. Voici ce que ça donne après un petit montage de phrases toutes faites piquées ici où là, heureusement dans l’indifférence générale:  » je vais m’efforcer sans relâche pour vous, afin que vous appréhendiez au mieux le fait que l’hégémonie du profit au détriment de l’humain doit correspondre aux directives indispensables préalablement établie de poursuivre l’effort d’une réflexion sur la problématique de la légitimité du ni-ni en économie, évolution quoiqu’il arrive indispensable à la préservation de notre mode de vie. Où que nous mène la dualité de la situation conjoncturelle,en effet, la précaution essentielle de protection permet d’affirmer la prise de position résultante de solutions rapides correspondant aux grands axes sociaux prioritaires. »