Le croquis de la semaine de Denis Carrière : « Narbonne, ville (d’art) et d’histoire ! »
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La fin de vie programmée de l’Aspirateur sera scellée samedi par le vernissage de la flamboyante rétrospective consacrée à l’artiste leucatois Patrick Chappert-Gaujal. (Étrange destin tout de même pour ce lieu d’exposition d’art contemporain conçu initialement pour le recyclage des déchets urbains et qui accueillera dans les prochains mois la « police municipale » de la Ville de Narbonne.)
Son titre ? « Last call » ! (Dernier appel), que traduisent à merveille ces cabines téléphoniques installées place de l’Hôtel de Ville récupérées dans je ne sais quel entrepôt de brocanteur.
Leurs vitres, Patrick les a recouvertes de ses cartes marines, comme pour nous inviter à regarder autrement ces espaces clos, et jadis transparents, qui, en nous isolant du monde nous reliaient néanmoins à la terre entière. Des niches dans lesquelles on pouvait voyager par la voix et l’imagination, s’y abriter du vent et de la pluie, se serrer contre un corps désiré… Il y avait en effet quelque chose de matriciel dans ces enveloppes de verre et d’acier, où se mêlaient chuchotements, pleurs, cris comme si rien au monde ne pouvait en retenir les ondes et les bruits. Le miracle était souvent d’en voir sortir des êtres transfigurés au visage lisse, l’esprit apaisé, après que l’on eut impatiemment signalé sa présence et son envie à son tour d’y entrer. On l’aura compris, j’éprouve un peu de nostalgie à l’évocation de ce temps. Une nostalgie d’autant plus vive que s’imposent désormais à nous la tyrannie de ces petits objets modernes d’où sortent en tous lieux le plus intime, le plus vain et parfois le plus grossier de leurs propriétaires. Oui, un dernier appel lancé dans ces cabines sans fils de Patrick Chappert-Gaujal auquel ne répond plus hélas ! un monde où le silence, la pudeur, le secret d’une conversation apparaissent aujourd’hui comme les stigmates d’une sociabilité archaïque, pour ne pas dire profondément suspecte. La nuit venue, témoins de ce passé qui donne encore à rêver, elles éclaireront aussi les Barques de Cité…
Plus loin, des silhouettes d’encres d’une élégance toute orientale sorties de médiocres plaques de cartons de récupération, des épures étirées sur de grands formats de papiers blancs aux formes pleines et délicates empliront l’Aspirateur d’un imaginaire où l’essentiel d’une esthétique se résume à quelques signes tracés à la pointe d’un pinceau. Assemblages faits de bois flottés, plastiques, toiles… tout ce que ce monde laisse tomber dans l’oubli de décharges publiques, ou rejette sur les bords de ses mers et rivières objets ; kayaks, croix de pharmacie habillés de lumière, sera au rendez-vous donné aux visiteurs par cette superbe rétrospective. Quelle soit une source d’inspiration et de plaisir pour tous est le voeux le plus cher qui me reste à former. Comme la mer et ses lumières toujours renouvelées le sont pour son maître d’oeuvre…
A quelques dizaines de mètres des archives municipales, dont on a appris qu’elles se trouvaient dans un état peu reluisant (la faute n’en revient bien sûr pas à leur directrice, dont tout le monde loue le professionnalisme, mais bel et bien à une succession de maires ainsi qu’à l’actuel adjoint concerné, tous aussi visionnaires en matière de culture qu’une armée d’enclumes)¹. A quelques dizaines de mètres donc, la Médiathèque du Grand Narbonne s’est vu attribuer le fonds patrimonial autrefois échu aux archives municipales.
Costume, tambour et battoir de chaman toungouse. Suncana/Flick
La politique est un territoire magique peuplé de chamanes aux pouvoirs mystérieux. Sous des aspects parfois inquiétants ils dirigent des tribus, élaborent et conduisent des rituels, guérissent par la parole et des actions psychiques directes les membres de leurs « sociétés ». Le chaman politique est aussi doté d’uneperception extra sensorielle du monde : télépathie, prescience, vision à de grandes distances, divination… en tant que psychopompe, il relie même le monde des morts, l’au-delà, à celui des vivants par une série de transformations personnelles. Les faits et les chiffres aussi n’ont plus de sens. Ils ne sont plus que des symboles transformables dans une perspective thérapeutique : maintenir la cohésion du groupe.
Deux belles expositions d’art contemporain aux ambiances bien différentes sont à signaler à Montpellier, à l’est de l’Occitanie (!).
L’artiste Camerounais Barthélémy Toguo est l’invité du Carré Saint Anne pour une exposition intitulée Déluge (direction artistique Numa Hambursin). Rappelons que c’est à Narbonne en 2014, à l’Aspirateur et au Musée d’Art et d’Histoire, que l’artiste a fait sa première exposition solo dans le sud de la France.