Articles marqués avec ‘Narbonne’

Cette tour de Saint Paul-Serge qui fend le ciel et dérègle le temps…

 
 
 
 
 
 
 
Ma.18.10.2022
 
9 heures !
 
La très large baie de mon bureau est en partie ouverte sur un ciel bas et gris. Une pluie fine couvre les toits du quartier de Bourg d’un léger voile brillant, des taches sombres tapissent les façades ocre des immeubles voisins. À l’extrémité des toitures, des pigeons, la tête rentrée dans leurs plumes, semblent dormir. Ils fuseront ensemble dans un instant vers les pelouses en contrebas. Qu’ils piqueront en bon ordre, méthodiquement. La rue de la Parerie est silencieuse. De rares piétons l’animent. On reconnait les plus jeunes : ils portent des « chaussures de sport » blanches, se tiennent plus droits, marchent plus vite. Des éclats de voix montent jusque dans ma pièce. Je reconnais celle du marchand de fruits et légumes qui, tous les mardis, s’installe devant mon petit immeuble, sur la « Place au Blé ». Pour le voir et l’entendre discuter avec ses clients, il me faudrait descendre dans le salon. Il est jeune et sans imagination. Son étal est banal en toutes saisons. Dans ce ciel d’étain, le vol ample et lent d’un goéland solitaire en chasse, il cherche une proie. Souvent le cadavre d’un pigeon qu’il déchirera pour fourrer son bec dans ses entrailles. Tout près, qui s’élève au milieu des toits, la tour carrée de la basilique Saint Paul et son campanile en fer forgé. Nous vivions et jouions autour d’elle. Elle fend le ciel et dérègle le temps. Tous les matins, je laisse ainsi s’attarder mon regard sur ses pierres blondes. Surgissent alors des images, des visages et des sons d’autrefois
 
 
 
 

Petit éloge de l’errance…

 

Petit éloge de l’errance : Akira Mizubayashi

 
 
 
 
 
Ve.30.9.2022
 
Errance…
 
Errer, c’est « aller d’un côté et de l’autre sans but ni direction précise ». Une définition à laquelle j’ajouterais quelques mots. Car errer, en effet, implique l’idée d’être seul et de s’en aller à pied. C’est en tout cas dans cet état d’esprit, que ce matin encore, j’ai quitté mon appartement sur le coup des 10 heures. Et ce sont mes premiers pas qui, finalement, m’ont entraîné sur les berges de la Robine. Rien donc de réfléchi ou de rationnel dans ce choix, mais la seule obéissance à l’automatisme de gestes guidés par le hasard ou l’inconscient. À l’unisson étaient aussi mes pensées qui vagabondaient et s’agitaient. Mais, au bout du compte, je constate toujours qu’à défaut d’un but à atteindre et d’une direction à prendre, je trace dans l’espace à peu près la même empreinte et que mes pensées tournent autour des mêmes idées. Errant, on ne peut donc totalement écarter l’idée d’aller en un sens. Sur terre, comme en esprit…
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Il faut aussi que toutes ces attentes cessent, pour n’en garder qu’une…

 
 
 
 
 
 
 
Place de l’Hôtel de Villee.1.9.2022
 
Lecture. Moment de vie…
 
 
Alain Monnier a inventé un de ces anti-héros très attachants, Barthélémy Parpot. Il l’a mis en scène dans quatre romans, d’abord édités par les Éditions Climats dans les années 1990-2000, puis réédités et réunis ensuite dans un seul volume publié en livre de poche : Le Petit monde de Barthélémy Parpot, Paris, Flammarion/ 2015.
Un Petit Monde que je connais, pour avoir lu, dès leur sortie, les histoires de ce rebelle passif ou involontaire qui n’a aucun projet subversif sinon d’être et de vivre comme tout le monde. Son créateur présente ainsi Barthélémy Parpot : « Le sort ne l’épargne pas mais il s’en accommode, il sourit, il est sans rancune, il trouve des excuses aux uns et aux autres, il formule des explications sans amertume ni animosité. Il est à cent lieues des revendicatifs et des acrimonieux qui envahissent l’espace public. » C’est dire aussi qu’il y a dans chacun des romans d’Alain Monnier, une part de conte ou de fable : « C’est un côté qui peut agacer mais qui personnellement me plaît… La morale permet de se tenir debout et d’installer le respect indispensable à la vie en société… Tous ces individus d’aujourd’hui, arcboutés sur leurs seuls droits, me fatiguent ».
En ce moment, je lis « Place de la Trinité », publié en 2012. Un roman d’amour, une satire de notre époque et de ses vanités ; et une fable donc sur les paradoxes de nos destinées humaines.
Voici l’histoire ! Adrien Delorme, quarante-huit ans, est « maître de conférences en littérature et rattaché au laboratoire de recherche intertextuelle qui planche avec acharnement sur l’œuvre de Flaubert. Laboratoire qui emploie douze chercheurs sur le décryptage des torchons du bougon. Le drame d’Adrien, c’est qu’il déteste Flaubert, et qu’il ne peut pas le dire… Allez clamer dans l’université que Flaubert vaut tripette, et ce sont – debout les morts ! – Sartre, Proust, Foucault qui sont convoqués, articles ou études en avant, pour démontrer à quel point vous êtes un âne. Dont acte. Donc, on se tait. Donc, on laisse douze types publier des supputations qui n’engagent qu’eux jusqu’à leur retraite. Tranquilles peinards, ce ne sont pas eux qui vont nous flinguer le CAC 40 ou le PIB. »
La vie d’Adrien Delorme a pour centre d’attraction la « Place de la Trinité », cette place que les Toulousains connaissent bien. Il y habite, a ses habitudes de café et de librairie, et surtout y déjeune une fois par semaine avec Louise. De douze ans sa cadette, la jeune femme, mariée et mère de deux enfants, ne partage pas l’amour que lui porte Adrien. Sept siècles plus tôt, Pétrarque y fit une halte et décida alors de se lancer dans l’écriture de son chef-d’œuvre, le Canzoniere, dédié à la passion platonique qu’il éprouva quarante ans durant à l’égard de Laure. Un jour, Louise ne vient pas au rendez-vous. Face à cette absence qui bouleverse son existence, Adrien ne quitte plus la place de la Trinité afin d’attendre le retour de l’aimée…
Voilà pour la trame de cette histoire qui, sous le regard tendre et doucement ironique d’Alain Monnier, présente un catalogue de tous les travers de notre modernité. Une modernité faite et écrite par des démagogues rageurs, des bien-pensants agressifs, et des cyniques de tout poil qui fait le quotidien d’Adrien Delorme et le nôtre. Le style d’Alain Monnier, d’une élégance classique qui n’est pas sans me rappeler celui d’un Sempé, ajoute au plaisir de lecture de ce petit – et vif – roman. Christian Authier note avec raison sa lucidité désolée et sa proximité de ton avec Marcel Aymé…
Un dernier mot enfin, pour dire que « Place de la Trinité » est aussi un bel éloge de l’attente… : « Adrien savoure l’idée qu’on passe sa vie à attendre. Un train, une lettre, le résultat d’un scanner, le verdict, que la nuit tombe, le lendemain, la fin du film. On attend l’année prochaine. On attend la date anniversaire, les dates anniversaires. Comme Pétrarque. On attend nos premières fois. Avec angoisse et émotion. Il faut aussi que toutes ces attentes cessent, pour n’en garder qu’une, la seule qui nous importe vraiment, qui nous concerne jusqu’au bout. Jusqu’au dernier souffle, jusqu’au dernier râle. Ce qui sera notre dernière première fois. »
C’est hier après-midi que m’est venue l’idée de cette chronique littéraire. Au sixième coup de cloche ! J’étais alors assis à la terrasse du Petit Moka, Place de l’Hôtel de Ville de Narbonne. Il y avait beaucoup de monde autour de moi. Des touristes surtout. On les reconnait à l’allure. Ils tournent, traînent et attendent. En bandes ! C’était ma première sortie en ville depuis que la Covid m’avait mis sur le flanc. Et j’attendais… Seul ! Un coup de fil de Mila, ma petite-fille, est venu interrompre mes rêveries. Elle voulait me chanter une chanson. En vérité, elle me demandait de rentrer… Et puis…, un des personnages secondaires de ce roman, un nommé Ramon Sempéré, photographe plasticien et intermittent du spectacle toujours en quête de subventions, est né à Narbonne, rue du Four-à-Chaux (des Fours à Chaux, plus précisément). Un indice qui a éveillé ma curiosité et m’a conduit à me renseigner sur Alain Monnier. Pour découvrir qu’il s’agissait du nom de plume d’Alain Dreuil, né le 14 juillet 1954 à Narbonne. Un jour peut-être prendrons-nous un café ensemble place de l’Hôtel de Ville. Qui sait ?
 
 
 
 
 
 

NUPES invente la politique quantique !

 
 
 
 
 
Ils s’appellent C., J., T. N. ou V. et appartiennent à la « petite bourgeoisie intellectuelle » : enseignant, intermittent du spectacle, médecin, fonctionnaire territorial… L’un est socialiste, chacun des autres, séparément : écologiste, communiste ou insoumis, et militent ensemble pour l’élection d’une candidate NUPES et « verte ». Je constate aussi qu’ils ont aussi en commun un rapport très troublant – dans tous les sens du terme – aux faits, à la réalité politique.
Font-ils un jour la promotion de Mélenchon au poste de Premier ministre pour mobiliser les électeurs antisystème, qui souvent s’abstiennent aux législatives, que le lendemain, on les voit battre le rappel de l’électorat du PS et d’EELV, en proclamant le caractère essentiellement local de ces mêmes élections. À croire que celui qui a tordu les bras de leurs partis respectifs en les soumettant à son leadership serait comme le « chat de Schrödinger» dans deux états contraires à plusieurs endroits à la fois !
J’ai beau leur dire que le futur Premier ministre serait Jean-Luc Mélenchon, et personne d’autre, et que cela est écrit dans l’accord de coalition signé au lendemain de l’élection présidentielle par les représentants de tous les partis impliqués, rien n’y fait. Ils jouent l’esquive et plongent dans un univers parallèle où la réalité prend des formes fantasmatiques. Les plus lucides, qui sont les plus malins, cependant, surfent à la godille sur le mouvement dans l’espoir d’obtenir quelques gratifications statutaires ou « symboliques ». Leur morale est simple. Elle se résume à l’axiome énoncé par feu Georges Frêche : « Les électeurs sont des cons ! »
À par ça, le détestable Mélenchon ne sera jamais premier ministre et NUPES n’obtiendra pas une majorité le 19 juin prochain. Mais chaque voix pour un candidat NUPES ne fera hélas ! qu’amplifier son ressentiment, ses frustrations, son agressivité, ses délires et l’autorisera, à la tête de sa « coupole », à contester la légitimité du Président et de sa majorité pour appeler la « rue » à l’insurrection sociale et politique. « La conquête de l’hégémonie politique a un préalable : il faut tout conflictualiser ! » clame-t-il sur les estrades numériques. Le « chaos » est en effet son ordre !
 
 
 
 

Le temps retrouvé : Mady Mesplé, salle des Synodes à Narbonne…

 
 
 
 
 
 
 
 
Lu.30.6.2022
 
J’ai le souvenir, toujours vivace, d’avoir vu et entendu Mady Mesplé papoter, après son récital, dans un salon privé jouxtant la salle des Synodes, et l’avoir alors trouvé fatiguée, vieillie, et pour tout dire quelconque. Quelques minutes avant, placé à bonne distance, j’avais pourtant été ébloui par sa prestance, sa légèreté et sa beauté tandis qu’elle chantait, m’émerveillait. Une déesse drapée dans une longue robe ivoire était là, devant moi !

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