Florence Delay est morte. Je l’avais lue il y a longtemps.
Le livre s’appelait Riche et légère. C’était un beau titre. On ne savait pas ce qu’il voulait dire, mais on comprenait en le lisant. Il y avait une femme, ou peut-être personne. Des villes. Des phrases courtes. Du silence. C’était un livre lent, qui avançait comme on marche seul, sans but, dans un pays qu’on aime.
Voilà un bel article de Peggy Sastre. Lu ce matin. Sous mon mûrier. Un café aux bords des lèvres. En compagnie d’une tourterelle. Toujours la même. Elle connaît mes habitudes. Elle attend quelques miettes de pain.
De ma « pile » numérique, j’ai sorti ce court roman autobiographique de Jacques Chessex : L’Économie du ciel. Grasset. 2003.
Le roman est court. Trente petites pages. Mais ce n’est pas un roman. C’est un règlement de comptes. Une lettre à celui qui n’a jamais répondu. Une voix qui cogne contre le vide.
C’est un texte bref, tendu comme une corde, et pourtant il contient tout : l’amour, la honte, la violence muette des liens familiaux.
Jacques Chessex écrit comme on saigne. Lentement, avec cette sorte de calme qui ne masque rien.
Il parle de son père. Pas comme on parle d’un mort, mais comme on parle d’une tache dans la mémoire. Le père s’est tiré une balle dans la tête. Cela se passe un matin de mars, entre deux séances de cours. Il enseignait le grec. Il avait de la raideur dans la colonne et du feu dans la bouche. Et puis un jour, il n’a plus parlé.
Alors, Chessex écrit. Il ne cherche pas à comprendre. Il n’analyse pas. Il dit. Il laisse les phrases ouvertes comme des plaies. On sent les montagnes autour, le ciel bas, les silences épais des dimanches suisses. Il y a dans cette économie-là plus de violence que dans cent confessions.
Il y a aussi cette honte, sourde, de l’héritage. Du nom. Du regard du père. Le fils le hait et le vénère. Il marche dans ses traces et veut s’en arracher. Mais le sol est gelé. Alors il creuse dans l’air.
Chessex ne cherche pas à nous émouvoir. Il aligne les faits, les souvenirs. Ils coupent net. Le style est sec. Nerveux. Aucune graisse. On est dans l’économie, celle du ciel peut-être, mais surtout celle de la douleur.
Il y a des livres qui tombent dans la vie comme une pierre dans l’eau. Ils ne font pas de bruit, mais tout remue après. L’Économie du ciel, de Jacques Chessex, est de ceux-là.
« Une autre fois je rencontre Trischi sur le petit aéroport de la Blécherette, au-dessus de L., où l’un de mes amis dans la dèche est devenu observateur des oiseaux. Je vais l’y retrouver souvent : vers ma quarantième année, j’ai commencé à me passionner à mon tour pour les oiseaux, peut-être pour me désintéresser des choses basses. Dans l’air, les ailes, l’affairement des volatiles, il y a l’indifférence à nos états toujours souffrants et coupables. Dans le vol il y a l’oubli possible, de nos poids, de nos ressassements. ».
Nous entrons ici dans le monde du pseudo-événement, de la pseudo-histoire, de la pseudo-culture, dont a parlé Boorstin dans son livre L’Image. C’est-à-dire d’événements, d’histoire, de culture, d’idées produites non à partir d’une expérience mouvante, contradictoire, réelle, mais produits comme artefacts à partir des éléments du code et de la manipulation technique du medium. C’est cela, et rien d’autre, qui définit toute signification, quelle qu’elle soit, comme consommable. C’est cette généralisation de la substitution du code au référentiel qui définit la consommation mass médiatique.
L’événement brut est échange : il n’est pas matériel d’échange. Il ne devient « consommable » que filtré, morcelé, réélaboré par toute une chaîne industrielle de production, les mass media, en produit fini, en matériel de signes finis et combinés — analogues aux objets finis de production industrielle. C’est la même opération que réalise Ie maquillage sur Ie visage : substitution systématique aux traits réels mais disparates d’un réseau de messages abstraits, mais cohérents, à partir d’éléments techniques et d’un code de significations imposées (Ie code de la « beauté»).
Déjeuner à l’Auberge des Jacobins. Nous y avons nos habitudes. Vanessa est à l’accueil. André est en cuisine. Ils sont jeunes. Ils sont sympathiques. La cuisine est simple. Les prix sont […]
Hier matin, boulevard Gambetta. M… Avec lui, c’est comme ouvrir une radio. Toujours la même musique : ce qui casse, ce qui brûle, ce qui rate. Le reste, ce qui fonctionne, ce qui tient encore debout, […]
Il était assis là, droit comme il pouvait encore l’être. Une doudoune, un souffle un peu court, les gestes comptés. Sur ses genoux, un petit chien. Léger. Silencieux. Les yeux tournés vers la porte, […]
Je croyais que la culture était un bien commun. Une respiration. Je découvre qu’elle est surtout un territoire. À défendre. À verrouiller. Partager :ImprimerE-mailTweetThreadsJ’aime ça :J’aime […]