Dans le Midi Libre de ce jour, Bernard Cazeneuve, l’ancien Premier ministre de François Hollande, dit notamment ceci: « La gauche a elle aussi été rongée par l’égotisme. Elle souffre plus que d’autres courants de pensées de la perte de sens de l’action collective, de ce solipsisme radical qui semble s’être emparé des appareils. Elle doit par ailleurs sortir des postures déconnectées des réalités de notre époque, qui la conduisent trop souvent à se parler à elle-même. Il faut en France un puissant courant social-écologiste, européen et humaniste, qui incarne à la fois la justice sociale, une ambition pour la planète et une préoccupation de l’efficacité économique.
À quelques jour des élections européennes la situation est désormais claire : l’objectif visé par les partis nationaux est moins de présenter un programme crédible dans un cadre correspondant aux compétences de l’Union et aux pouvoirs de son Parlement, que de « continuer » l’élection présidentielle dernière par d’autres moyens électoraux pour préparer la suivante. Ce qui les conduit à s’affranchir cyniquement du principe de réalité bruxellois et à faire de la surenchère programmatique tous azimuts. Dans la protection de l’environnement, le social, la remise en cause des accords de libre-échange, l’espace Schengen ; comme dans contestation du rôle et des pouvoirs de la Commission européenne… , alors que le pouvoir réel dans ces domaines, le centre décisionnel effectif, est tenu par le Conseil Européen et la Commission.
C’était je ne sais plus quel jour de la semaine passée où un froid soleil magnifiait la place de la Voie Domitienne. Un couple dont la langue signalait une origine manifestement espagnole s’émerveillait à haute voix de son caractère italien et de sa minérale beauté. Leurs paroles, leurs « images », venaient naturellementà moi qui les côtoyais tous deux, assis à la même terrasse. Rien dans cet espace ne venait troubler son unité formelle et symbolique. Il y régnait aussi une atmosphère féconde à la contemplation et à la rêverie.Bref, la place était dans un état qui la faisait admirable, jusqu’à ce qu’apparaisse, un matin, une disgracieuse fontaine de pétunias posée sur un misérable tapis herbeux qui, depuis, la rend parfaitement ridicule. Ridicule et disgracieuse. Comment peut-on encore oser une telle esthétique de jardin pavillonnaire, bêtasse et vulgaire, au coeur patrimonial et historique de notre cité ; faire subir cette offense à cet emblématique lieu ? Nue, cette place ne demande qu’une chose : le rester. Son élégance, sa mesure, sa simplicité suffisent à son éclat. Que l’on ôte donc vite ce grossier apprêt qui attente à sa dignité et blesse la nôtre à la voir aussi vilainement fardée…
Finalement l’Europe n’est pas le sujet de cette campagne électorale. Partis et Médias rejouent vainement la présidentielle. Et la seule question posée est qui de Macron ou de Le Pen arrivera en tête. Ou plutôt aura gagné : ce qui est absurde ! Comme si le quinquennat ne durait que deux ans ! Ce pays aura donc encore une fois raté l’occasion d’ouvrir sérieusement ses frontières mentales pour mieux penser son rapport aux autres États européens. Demain, tout le monde attend, espère, impatiemment, la dernière bêtise d’une tête de liste ou d’un obscur suiveur pour lancer la machine à vendanger de l’audience. Il nous faut donc tenir 10 jours. Après, on pourra peut-être enfin parler d’Europe, de nous… Ce dont je doute !
PS : En attendant le 27 mai, lire le petit ouvrage de Laurent Gaudé, chez Actes Sud (en illustration de ce texte) : « Ce que nous partageons/C’est d’avoir traversé le feu,/D’avoir été, chacun,/Bourreau et victime,/Jeunesse bâillonnée et mains couvertes de sang. ». Avec ses vers libres, l’écrivain retrace l’histoire bouillonnante du continent et de ses peuples et dégage un héritage commun que nous semblont avoir oublié.