Une ordonnance post Covid pour le festival de « Mon corps trésor », le 17 septembre à Moussan.

 
 
 
 
 
 
 
 
 
Di.28.8.2022
 
Mon ami Philippe P. * est médecin. Il m’a envoyé, ce matin, par courriel, son ordonnance. En objet : « La Covid est sensible à l’humour, elle peut en crever ». Il m’avait trouvé la veille, au téléphone, las et d’humeur morose. J’ai donc ouvert son fichier PDF joint, et lu ceci :
 
L’association narbonnaise « Mon corps trésor » organise son premier festival le 17 septembre à Moussan. Les visiteurs pourront participer à des « ateliers et des animations : fabrication de serviettes menstruelles lavables, d’une broche vulve, d’un cyanotype. » D’autres, mais sans réservation, seront aussi proposés : « café ménopause, ateliers arbre de vie, ayurvéda, danse sensorielle et biodanza, yoga, écriture, automassage…  » La prise de selfies « rigolos avec des accessoires dans le « cli (pho) to …  » sera autorisée. Deux spectacles en soirée clôtureront ce festival : « Les Monologues du vagin avec Catherine Coole, et une prestation de Free bird cabaret, chant, danse, effeuillage burlesque…  » Un festival qui s’adresse à toutes les femmes et les hommes, car, précise son organisatrice, psychothérapeute de profession : « il n’y a pas d’âge pour faire sauter les verrous et découvrir de nouvelles pratiques corporelles. » Source : La Dépêche du Midi.
 
Sous sa signature, il a ajouté : « J’y serai ! Il y aura aussi des cours de  barbecues dégenrés. Sandrine Rousseau devrait les diriger. Enfin, je crois ! Bien à toi visage pâle ! Fais sauter les verrous !
 
 
* Si le festival évoqué est bien annoncé par la presse dans le paisible village de Moussan, cette correspondance étant le fruit de mon imagination, toute ressemblance avec des noms existants serait purement fortuite.
 

Illustration : Reproduction de la Vénus de Willendorf. 

 
 
 
 
 
 
 
 
 

Moments de vie : « Je ne voyais plus que ses immenses yeux verts… »

     

Sa.27.8.2022

Moments de vie.

Il était environ 8 heures 30 du matin. J’étais en avance. La pharmacie de la Grand’Rue n’ouvrait en effet qu’à 9 heures. En attendant, je suis allé à la boulangerie d’à côté, déjà très animée. La file d’attente était longue. J’y ai pris calmement ma place tandis que deux vendeuses habiles servaient des clients manifestement pressés. Des femmes d’un âge moyen, surtout ! Vêtues et coiffées « à la va-vite », cabas aux bras. Devant moi, un vieil homme en short et « Marcel ». Petit et tordu, les cheveux gris embrouissaillés, il sentait le linge sale. J’ai demandé un croissant, que j’ai mangé sur la terrasse en bois, devant l’entrée. Un énorme chien-loup aux poils fanés y roupillait. D’instinct, il a mollement ouvert un oeil. Pour le refermer aussitôt. Un couple de jeunes touristes sortis du lit s’est installé à la table voisine. Ils avaient commandé un petit déjeuner complet. Vite avalé. En silence ! La cloche de l’église s’est mise à sonner les premiers coups de 9 heures. Au dernier, trois hommes du lieu ont applaudit la sortie de la jeune employée de la pharmacie armée de son drapeau étendart. Ils riaient ! Je pouvais donc enfin entrer. « Oreilles bouchées, écoulement nasal, maux de tête, bouffées de chaleur… et fièvre, ce matin… Je crains… Covid… » Après quoi, une jeune fille en blouse blanche ma gentiment prié de m’installer sur une chaise, dans un coin de l’officine. La pharmacienne ferait le test, m’a-t-elle annoncé. Grande, longue et fine, cette dernière s’est approchée. Masquée, évidemment. Elle m’a fait quelques chatouillis insistants dans le fond des narines. Je ne voyais plus que ses immenses yeux verts. L’étaient-ils ? Je ne sais plus. C’est en tout cas ces yeux-là que je garde encore à l’esprit. Ils souriaient… « J’espère que ça n’a pas été trop désagréable ? Vous aurez le résultat du test dans quelques minutes. On vous appellera. » Je n’avais pas fait trois pas dans la rue, que je recevais un message SMS : « test Covid positif ». C’était mercredi matin ! Depuis, je vis cloîtré. Le corps en panne. Lourd et fatigué. J’ai de la peine à écrire ces quelques lignes. Lire est tout aussi difficile ! Ces moments sont désespérants. On découvre qu’on a tout oublié – ou presque – des centaines de livres lus et accumulés dans sa bibliothèque. Qu’ils ne sont d’aucun secours ! Seule compte à nos côtés la présence de la personne aimée. On y puise l’énergie nécessaire pour tenir à distance nos angoisses. Ou de prendre son clavier et tenter d’arrêter le temps : quelques instants, une image. Comme les immenses yeux verts d’une inconnue penchée sur mon visage …

   

Moments de vie : Au-delà du fleuve et sous les arbres…

   

Di.24.7.2022

Moments de vie

J’ai dû quitter « ma cabane » à deux reprises ces dix derniers jours, pour assister aux obsèques de mères d’amies proches dans la même église Saint Paul située au cœur du quartier de Bourg, quartier qui fut celui de mon enfance et où j’habite à présent depuis que j’ai cessé mes activités professionnelles exercées jusqu’alors en dehors de ma ville natale. Mon grand père paternel et ma tante y vivaient aussi en ce temps dans un petit immeuble vétuste collé à son abside, ou presque. Et quand nous nous rendions en famille chez eux le dimanche, c’était pour partager la rituelle paella préparée par les mains expertes de Lola. Il fallait emprunter un escalier étroit et branlant pour accéder à son minuscule appartement et le passage d’un étage à un autre s’effectuait dans le noir le plus épais. Chaque marche émettait alors sous nos pas de sinistres craquements qui, ma sœur et moi, nous terrorisaient. Aussi ai-je longtemps vécu avec l’image d’une église Saint Paul associée à ce rituel dînatoire profane et bruyant ouvert en préalable par la terrifiante ascension d’un escalier menaçant ruines. Depuis, cet immeuble a été rasé, ainsi que d’autres, adjacents, et l’abside apparaît désormais nue, superbe, resplendissante aux yeux des passants et de ses proches voisins. Depuis la mi-juin, disais-je, je ne vois donc plus de mon bureau surplombant les toits de la ville la belle tour carrée de « Saint Paul » dont j’admire quotidiennement sa découpe et ses couleurs quand tombe la nuit. Un spectacle qui toujours me ravit. Et qui, s’il ranime évidemment mes souvenirs, les auréole aujourd’hui, par delà un passé lointain de soucis et de craintes, d’un halo bienfaisant. Je dis cela, et je voudrais que l’on me croit, sans plaintes ni ressentiment. C’était ainsi et ce n’est plus. Du moins pour moi. J’entre enfin, désormais, dans l’église Saint Paul avec la légèreté d’un cœur apaisé. Comme ces derniers jours où j’ai accompagné et soutenu mes amies Jane et Solange, et leurs familles, dans la peine. Solange dont la mère connaissait bien ce petit coin de Bourg et cet immeuble dont je parle ici. Paule, était son prénom. Elle avait le caractère doux. Nous avions beaucoup d’affection pour elle. Dans ces cérémonies, on m’en fait parfois le reproche, je suis très sensible aux faits et gestes des personnes qui y participent (!) L’indifférence de certaines au langage symbolique visuel et oral dans lequel elles sont immergées, notamment, m’indispose.Trop usé et ignoré du plus grand nombre, le prêtre de service le traduit souvent en langage profane. Puis vînt le moment de la quête. Celui où se révèlent de petites bassesses. À certains mouvements d’impatience et d’affairements, de corps, de tête et de mains je sais les personnes qui lâcheront quelques menues monnaies dans le panier d’osier tendu par l’officiant. D’autres encore feindront une attention soutenue pour les vitraux de l’abside ou, mimant une prière, leurs chaussures. J’ai aussi vu devant moi, une dame bourgeoisement apprêtée, enfoncer ses doigts pincés dans la corbeille qui lui était présentée. Un bref ruissellement métallique en est sorti. Rien ne semblait pouvoir le tarir. Ni en couvrir le sens. Autant de signes qui marquent, au delà de toute considération religieuse ou de foi, la fin d’une culture, ai-je alors pensé en cet instant. Cet après-midi, j’ai terminé la lecture du roman d’Ernest Hemingway : « Au-delà du fleuve et sous les arbres » sous le noble et fier pin parasol tordu par le vent du Nord qui borne ma cabane. C’est une histoire d’amour et de mort dans une Venise dure, froide et humide. Son héros, un colonel de l’armée américaine en retraite vit sa dernière journée auprès de sa très jeune amante Renata. Il sait qu’il va mourir. Elle aussi. Sur le chemin du retour, il prononce ces derniers mots : « – Jackson, dit-il. Savez-vous ce qu’a dit le général Thomas J. Jackson en certaine circonstance ? Celle où il rencontra sa mort ? Je l’ai su par cœur autrefois. Je ne garantis pas que ce furent exactement ses paroles, bien entendu. Mais les voici comme on les a rapportées : « Ordre à A.P. Hill de se préparer à l’attaque. » Ensuite il délira encore vaguement. Puis il dit : « Non, non, traversons le fleuve et reposons-nous à l’ombre des arbres »

   

Sur « La rafle du Vel’d’Hiv’, la honte et les larmes », un film de David Korn-Brzoza.

   

Lu.11.7.2022

Sur Fr3, « La rafle du Vel’d’Hiv’, la honte et les larmes, un film de David Korn-Brzoza. »

23 heures. Je viens d’éteindre mon poste de télévision. Je connaissais ce moment de notre histoire. Mais le temps use la mémoire.

Les Halles de Narbonne : « Plus beau marché de France ! »

           

Je.6.2022

Les Halles sont à Narbonne ce que l’andouille est à Vire et la bêtise à Cambrai : sa carte d’identité hexagonale. Et l’été, nous y sommes, on y voit plus de touristes le nez dans leur « Routard » que d’autochtones tirant leurs caddies. Surtout le dimanche ! Quand sonnent les cloches, ils déboulent en effet comme bigotes à Lourdes sur l’étal des olives et celui des poissons. On leur a dit que « c’était çà le Midi » ! Ils font alors une provision effrénée d’images ; des images de cartes postales qu’ils commenteront au « bureau » autour du distributeur de café, près de la photocopieuse. On ne voyage plus, hélas ! on collectionne des clichés.
Pour en revenir à mes Halles, j’insiste sur le possessif, elles ont pour moi l’accent de mon grand-père : un mélange de « valencian », de patois et de français. Le dimanche, il occupait son centre géométrique avec ses amis espagnols originaires du même village, Cox. Tous refaisaient le monde dans leur langue natale. C’est là que je le rejoignais. J’avais alors le sentiment d’un ailleurs à la fois lointain et familier. Il m’emmenait parfois sur les Barques où son amie d’enfance vendait des « churros », gros et gras.
Ce marché couvert est aujourd’hui à la mode ! On y croise clochards et notaires, rmistes et gros bonnets. J’y rencontre toujours Maruenda, qui toujours monte et remonte l’allée centrale. Il travaillait sur les chantiers et a bien connu mon père. Chaque année, il descend à Cox. Il y possède une maison. Quand il en revient, il me donne des nouvelles de la « famille ». C’est un bon connaisseur de Miguel Hernandez *, le poète. Il a en sa possession une « somme » de bouquins en espagnol sur sa vie et de son œuvre.
Je ne sais si ces Halles sont le cœur de Narbonne, comme l’affirment les guides touristiques, mais elles font battre le mien. Quand j’en parcours les allées, il bat toujours au rythme de ma mémoire et de mes souvenirs… C’est le plus beau des marchés de France ! Marie-Sophie Lacarrau l’a confirmé aujourd’hui, lors de son journal télévisé de 13 heures, sur TF1. Les narbonnais et les élus sont enthousiastes. La presse locale est au diapason. Oui, ces Halles sont belles ! Et elles  le sont plus encore sublimées par le souvenir.
 
*Il vécut à Cox !
 
 
 
 
 

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