De la pointe de mes orteils jusqu’à celle de mes cheveux, je suis blanc. Incontestablement blanc. Mais avec des nuances cependant. Deux mois passés dans ma cabane au bord de mer et des randonnées quotidiennes tout au long de l’année donnent à ma peau cette teinte brune que nos sociétés associent aujourd’hui au rêve de liberté, de grands espaces, de plaisirs et de bonne santé.
Dans mes terres audoises, on est loin, bien loin, des discours et propos policés tenus sur les ondes et les plateaux télés par les leaders médiatisés du FN que sont Marine le Pen et Florian Philippot. Sur les réseaux sociaux, notamment sur Facebook, certains candidats FN aux Départementales, sur les cantons narbonnais, eux, non pas ces scrupules médiatiques, et se lâchent; se lâchent « salement »… Propos islamophobes et images racistes, en effet, s’y enchaînent et se commentent sans retenue… Au risque de choquer, je dirais que si le phénomène ne se limitait qu’à ces quelques individus, il n’y aurait pas de quoi s’inquiéter. Mais il suffit de « laisser traîner ses oreilles » dans certaines parties des Halles de Narbonne, pour se rendre compte que ces « idées » véhiculées par ces candidats sont largement partagées par toute une frange de la population.
Les scores du FN sur tout le littoral audois et dans le péri-urbain narbonnais et carcassonnais en témoignent. Plus grave, et même s’il est difficile de circonscrire le périmètre politique de cette prégnance extrémiste, chacun d’entre nous peut constater, dans sa propre famille « génétique », politique ou idéologique, qu’elle déborde les seules limites partisanes de Droite et de Gauche.
Ceux qui s’inquiètent en France de l’amalgame entre l’islam et les attentats de janvier 2015 – alors que ce lien est réel puisque le réel a bien eu lieu et qu’il s’agit d’actes commis, certes par des fanatiques, mais en invoquant le nom d’Allah – devraient plutôt s’alarmer de l’amalgame entre islamophobie et racisme. Ce qui est inacceptable, c’est le racisme. Ce qui est inexcusable, c’est qu’au nom de la peur qui envahit chacun de nous face à la violence on stigmatise des Français qui sont noirs ou arabes. Majoritairement musulmans sans aucun doute, mais à des degrés divers, certains par tradition familiale et culturelle, d’autres par foi véritable. Tous différents. Ce qui est inacceptable, c’est la haine contre des communautés. Mais qu’on critique l’islam, qu’on rejette l’interprétation du Coran, qu’on débatte de l’essence d’une religion, qui peut mettre en doute ce droit dans une démocratie comme la France ? On peut être républicain et islamophobe même si cela fait bondir certains. On ne peut pas être républicain et raciste. On peut être républicain et judaïcophobe. On ne peut pas être républicain et antisémite.
Le Premier ministre Manuel Valls a estimé ce mardi, lors de ses voeux à la presse, qu’il existait en France « un apartheid territorial, social, ethnique ». Apartheid! Eh bien, voilà le mot lâché, qui illustre mon billet de ce matin: le sens des mots n’a plus aucun sens, sauf celui d’attirer, par l’amalgame, l’anachronisme, etc…, la lumière des médias. Mais avec quels dégâts! Ainsi la France comparée à l’ancienne Afrique du Sud « blanche » et à son État fondé sur la ségrégation raciale, territoriale et sociale. Les terroristes islamistes ne pouvaient pas rêver mieux: un premier ministre qui parle leur langue et nourrit leur propagande et leur mythologie. Comme s’ils « possédaient » le cerveau de nos élites et dirigeants. La « guerre » des mots est très mal engagée. Serait-elle déjà perdue?