Le livre de sable.

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On ouvre un carnet, et on tombe sur ces quelques phrases notées au fil de lectures…

Kundera: « Nous traversons le présent les yeux bandés. Tout au plus pouvons-nous pressentir et deviner ce que nous sommes en train de vivre. Plus tard seulement, quand est dénoué le bandeau et que nous examinons le passé, nous nous rendons compte de ce que nous avons vécu et nous en comprenons le sens. » (Risibles amours, trad. François Kérel, p.13, Folio n°1702)

 « Par une certaine partie de nous-mêmes, nous vivons tous au-delà du temps. Peut-être ne prenons-nous conscience de notre âge qu’en certains moments exceptionnels, étant la plupart du temps des sans-âges. » (L’immortalité, trad. Eva Bloch, p.14, Folio n°2447)

« Si l’on était responsable que des choses dont on a conscience, les imbéciles seraient d’avance absous de toute faute. […] l’homme est tenu de savoir. L’homme est responsable de son ignorance. L’ignorance est une faute. » (Risibles amours, trad. François Kérel, p.127, Folio n°1702) 

 Borges: « Ce qui importe ce n’est pas de lire mais de relire. » (Le livre de Sable, trad. Françoise-Marie Rosset, p.103, (Éd.Gallimard )

 » C’est l’incertitude qui est ma certitude. »

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« Je lègue à mes amis, un bleu céruleum pour voler haut, un bleu cobalt pour le bonheur, un bleu d’outremer pour stimuler l’esprit, un vermillon pour faire circuler le sang allégrement, un vert mousse pour apaiser les nerfs un jaune d’or : richesse, un violet de cobalt pour la rêverie, un garance
qui fait entendre le violoncelle, un jaune barite : science-fiction, brillance, éclat, un ocre-jaune pour accepter la terre, un vert Véronèse pour la mémoire du printemps, un indigo pour pouvoir accorder l’esprit à l’orage, un orange pour exercer la vue d’un citronnier au loin, un jaune citron pour la grâce,
un blanc pur : pureté, terre de Sienne naturelle, la transmutation de l’or, un noir somptueux pour voir Titien, une terre d’ombre naturel pour mieux accepter la mélancolie noire, une terre de Sienne brûlée pour le sentiment de durée. »

Le citoyen propangandé de Jacques Ellul.

 
Jacques Ellul, théologien protestant et penseur de la technique, professait que « La politique est l’art de généraliser les faux problèmes, de donner des faux objectifs et d’engager de faux débats ». Dans une société qu’il qualifie de technicienne, la politique relève du nécessaire et de l’éphémère… Quelles solutions à cet état de fait ? Encore une fois, Ellul est réaliste : l’orientation idéologique n’y changera rien car tous les régimes poursuivent aujourd’hui des fins identiques : l’efficacité, la puissance. Pourtant, loin d’un plaidoyer en faveur d’un apolitisme qui n’aurait pour conséquence que de renforcer l’emprise de l’Etat, le message d’Ellul vise à réhabiliter les vertus de la résistance personnelle. Loin des modes intellectuelles, ses écrits et ses paroles sont autant d’antidotes au crétinisme généralisé qui envahit et submerge nos sociétés. Jacques Ellul nous aide à penser et à agir. « Aime et fais ce qu’il te plaît »… disait-il, citant Saint Augustin.
 
Mes images:

Le signe de la médiocrité.

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Sur le style, en littérature, mais pas seulement, cette page lue dans « La culture des idées » de Rémy de Gourmont (1858-1915). Ce matin, juste après mon café. Corsé!

Mes lectures:

«Déprécier l’écriture, c’est une précaution que prennent de temps à autre les écrivains nuls; ils la croient bonne; elle est le signe de leur médiocrité et l’aveu d’une tristesse. Ce n’est pas sans dépit que l’impuissant renonce à la jolie femme aux yeux trop limpides; il doit y avoir de l’amertume dans le dédain public d’un homme qui confesse l’ignorance première de son métier ou l’absence du don sans lequel l’exercice de ce métier est une imposture. Cependant quelques-uns de ces pauvres se glorifient de leur indigence; ils déclarent que leurs idées sont assez belles pour se passer de vêtement, que les images les plus neuves et les plus riches ne sont que des voiles de vanité jetés sur le néant de la pensée, que ce qui importe, après tout, c’est le fond et non la forme, l’esprit et non la lettre, la chose et non le mot, et ils peuvent parler ainsi très longtemps, car ils possèdent une meute de clichés nombreuse et docile, mais pas méchante. Il faut plaindre les premiers et mépriser les seconds et ne leur rien répondre, sinon ceci: qu’il y a deux littératures et qu’ils font partie de l’autre. Deux littératures: c’est une manière de dire provisoire et de prudence, afin que la meute nous oublie, ayant sa part du paysage et la vue du jardin où elle n’entrera pas. S’il n’y avait pas deux littératures et deux provinces, il faudrait égorger immédiatement presque tous les écrivains français; cela serait une besogne bien malpropre et de laquelle, pour ma part, je rougirais de me mêler. Laissons donc; la frontière est tracée; il y a deux sortes d’écrivains: les écrivains qui écrivent et les écrivains qui n’écrivent pas, — comme il y a les chanteurs aphones et les chanteurs qui ont de la voix.»

Andrée Chédid n’est pas morte hier.

 

 

Andrée Chédid est morte. hier! On est triste. Très! Ce soir on relira : « L’Etoffe de l’univers ». Comme je le fis un soir où le sommeil manquait. C’était il y a quelques semaines. Un soir froid où soudain surgit le feu d’un poème.

Le voici ce petit texte que je consacrais alors à cette grande et belle dame:

 

 

Mes lectures

 

 

 

 

Il est des nuits comme çà! On se couche très tard, après un copieux repas, trop ! Trop de bruit aussi… Et le froid et le vent qui vous glacent les os… Et le sommeil qui s’attarde, longtemps…Trop. On tourne autour et on finit par l’ouvrir ce livre posé là, sur un fauteuil. Des poèmes, ceux d’Andrée Chédid. Pour tomber sur celui-ci:  » Bruits « .

 

La nuit
Parfois
S’anime
Du clapotis de l’eau
Et des sanglots du vent
Vibrante,comblée
Par cet étrange bruit
Je brûle soudain pour un feu qui
S’embrase
Puis pour me recueillir
Je brûle pour le silence glacé d’un feu éteint

 

Un poème qu’elle prolonge d’un commentaire de l’admirable métaphore de Kulluka Bhaffa (le plus fameux des exégètes des lois de Manou):  » Comme le feu qui pénétrant les mondes prend la forme inombrable des choses, le Soi unique au fond de tous les êtres emplit les formes et l’espace autour d’elle « . Il me suffit, dit-elle, de remplacer le mot  » feu  » par  » poésie « … Ce langage des Dieux.

 

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