Dimanche électoral ! Au pied de la passerelle entre deux villes, rive droite, côté Bourg, j’aborde madame Serres, ma voisine, 105 ans passés de quelques semaines déjà. Soutenue par Marie-Jo, elle me dit avoir fait son devoir de citoyenne, qu’elle était fatiguée et pressée de rentrer chez elle…
J’ai longtemps rêvé, certains soirs d’été, devant cette maison aux volets bleus située en plein coeur du vieux Gruissan. Ses occupants, sous la treille, goûtaient le calme et l’air frais du moment. Je m’imaginais alors les rejoindre autour de leur petite table basse sur laquelle reposaient des verres emplis d’une boisson fraîche. Une main m’attendait pour me conduire dans sa pièce la plus sombre où je m’installais entre les bras du fauteuil le plus profond.
C’est avec un étonnement douloureux que j’ai appris le décès de Gérard Calvet, un peintre de mes amis , – et ce malgré notre grande différence d’âge. Son sourire et son regard malicieux vont me manquer ! Il était né en 1926 à Conilhac-Corbières dans l’Aude. Après des études secondaires au Lycée de Carcassonne, il est « monté » à Paris, en 1945, pour entrer à l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris, dans l’atelier de Eugène Narbonne où il fut particulièrement impressionné par l’art vigoureux et incisif de Bernard Buffet.
Connaissez-vous Maxime Zecchini ? Le jeune pianiste vient de signer chez Ad Vitam Records le sixième enregistrement de son anthologie du répertoire pour la main gauche. Le projet paraît un peu fou, voire complètement inoffensif et inutile. Car pourquoi réhabiliter un répertoire qui ne connaîtra qu’un succès de curiosité, ou combler un manque éditorial qui ne répond à aucune attente du public ? Avez-vous déjà croisé quelqu’un vous parlant de son amour brûlant pour ce répertoire ? Moi pas. Un peu comme si on traduisait La recherche du temps perdu en latin : une entreprise colossale certes, mais pourquoi ? pour qui ? Heureusement les vrais artistes ne raisonnent pas comme ça.
Zecchini nous invite à la découverte d’un continent de la littérature pour piano, celle écrite pour la main gauche. Il s’agit parfois d’œuvres spécifiquement créées pour cet appendice mal aimé (à part des gauchers dont je suis), comme les concertos écrits par Britten, Prokofiev et Ravel pour Paul Wittgenstein, frère du philosophe prénommé Ludwig et amputé lors de la première guerre.
Mais l’essentiel est composé de transcriptions d’œuvres écrites à l’origine pour deux mains (Bach, Chopin, Scriabine), ou pour des orchestres (Wagner, Beethoven). La cerise sur le gâteau, le comble de la mise en abyme étant la transcription pour la main gauche du concerto pour la main gauche de Ravel, incluant les parties orchestrales !
Le défi de la virtuosité est parfaitement relevé par Zecchini, je veux dire par là que l’on se demande inmanquablement comment il fait pour jouer toutes ces notes avec une seule main, comment il saute aussi vite des graves aux aigus. Mais l’essentiel n’est pas là. Le répertoire pour la main gauche est écrit différemment. Cette différence d’écriture est audible, et c’est une voix autre, avec sa subtilité et son identité propres que Zecchini parvient à faire sonner sur le clavier.
Dix disques sur le sujet sont annoncés par le pianiste qui, je tiens à le préciser, possède le total usage de sa main droite.
Il y aurait une anthologie à faire des artistes qui, avec d’évidentes limites physiques ont pratiqué leur art au sommet, de Django Reinhardt dont la main gauche était brûlée à Evgen Bavcar le grand photographe aveugle. Avec ses enregistrements, Zecchini écrit ainsi un hommage à l’art prétendument empêché, exprimant à quel point la contrainte est un grand moteur de la créativité.
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Picasso Pablo (dit), Ruiz Picasso Pablo (1881-1973). Paris, musée national Picasso – Paris. MP72. Partager :ImprimerE-mailTweetThreadsJ’aime ça :J’aime chargement… […]