Moments de vie : N’oubliez pas !

J’aime ce nom. Rue du Bois Roland. Il sonne juste.

Je la prends souvent. Pour marcher. Pour respirer.

Des maisons basses. Des murs pâles. Des jardins serrés contre la rue.

Devant l’une, les belles de nuit débordent. Fleurs, graines.

Petites perles noires tombées sur le trottoir.

J’en ramasse. J’en sèmerai autour de ma cabane.

« Pardon Monsieur ! »

Voix claire. Une femme âgée dans un fauteuil roulant. Un homme la pousse.

Le bras droit immobile. Les yeux, vivants.

Elle me sourit. On s’excuse ensemble.

Plus loin, une maison bleue.

Le portail, les persiennes, les fleurs. Tout bleu.

Je touche les branches. Fines. Fraîches.

« Pardon Monsieur ! »

Encore elle. Même sourire.

— Je cherchais des graines.

— Il n’en fait pas, dit-elle. Mais je peux vous faire des boutures.

Un pot. Oui.

Elle ouvre son portail.

— N’oubliez pas.

Je promets. Le vent se lève.

Les fleurs bougent. Le bleu tremble un peu.

Et je me dis qu’il suffit d’un geste offert

pour que la vie reparte.

Griggio dresse ses totems comme on réveille une mémoire endormie.

C’était dans les années 2000. À Moux, dans les Corbières. Là que j’ai rencontré Serge Griggio. Dans son atelier : l’ancienne épicerie du village. Aux murs, une série de toiles : « Dyptique Griggio Pirotte ». Pirotte ! Pirotte admiré. Ici, lu, commenté. En plein cœur des Corbières. Ma surprise fut grande.

À propos du livre d’Alexandre Moatti : Un certain M. Fabre – Valéry, Gide, Aragon et les autres…

Le retour d’un certain M. Fabre

À propos du livre d’Alexandre Moatti : Un certain M. Fabre – Valéry, Gide, Aragon et les autres… Éditions HD.

Lucien Fabre.
Un nom qu’on croit inventé. Et pourtant.
Goncourté, publié chez Gallimard, ami de Valéry, en délicatesse avec Einstein, flingué par Gide, haï par Aragon, courtisé par Blum, puis… effacé. Rayé des mémoires. Un de ces météores de la IIIe République qui brillent dans tous les sens avant de se consumer sans bruit.

Alexandre Moatti en fait un livre rare : ni biographie, ni panégyrique, mais une quête fraternelle. Le récit d’un homme d’aujourd’hui qui suit la trace d’un homme d’hier, par empathie plus que par nostalgie. Ce n’est pas une réhabilitation, c’est une conversation.

Benjamin à la plage.

Me 23.07.2025

Il passe tous les jours devant ma cabane. Vers quinze heures.
Trente ans peut-être. Blond. Le visage doux.
Il dit « Bonjour » sans insister. Toujours avec la même jeune fille. Discrète. Ils se ressemblent.
Il tire une petite remorque. Parasols, chaises, serviettes.
Et tout ce qu’il faut pour pêcher.
Sur la plage, ils s’installent un peu à l’écart.
Ils se baignent. Moins que les autres.
Lui, il prend un masque et un tuba. Il part loin, chercher des appâts.
Elle l’attend.
Puis lui caresse les cheveux.
Il rêve.
Quand la plage se vide, il plante ses cannes dans le sable. Lentement.
Seul.
Parfois il prend deux dorades. Trois, rarement plus.
Ce soir-là, le ciel était rose, lavé de bleu.
Benjamin ne bougeait presque pas.
Ses gestes épousaient le murmure des vagues.
Il respirait avec la mer.
C’était le dernier souffle du jour.

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