Contre-Regards

par Michel SANTO

Quelle rigueur, en effet ?

 

 

En faisant ma revue de presse, je  » tombe  » sur l’édito de Jean Pierre Denis :  » Quelle rigueur « . Il reprend le thème de mon dernier billet en insistant sur la manipulation des consciences par l’utilisation de la bonne vieille théorie du bouc émissaire ou de la main invisible. A lire d’urgence pour sortir de l’état d’hébétude dans lequel nous plongent les  » médiapolits  » ( contraction de médias et politiques, évidemment ). La bonne nouvelle quand même est que quelques uns d’entre eux restent soucieux de vérité et, osons le mot, de morale publique.

 

Extrait:  » Ce n’est pas seulement pour faire plaisir aux agences de notation qu’il faut entreprendre un effort de redressement collectif. C’est aussi et surtout pour éviter de laisser à nos enfants le poids cumulé de trop de lâchetés gouvernementales bien partagées, hélas, par l’opinion publique et par les partis de tout bord. De la même manière, il est un peu court, voire manipulateur, de dire que ce sont les agences de notation, les institutions européennes ou l’euro qui nous imposent la rigueur. Celle-ci devient inéluctable parce que nous ne pouvons plus nous payer notre mode de vie. Tout simplement. « 

L’ appel à la raison des marchés et des politiques aussi.

 

 

 

 

Toujours la même rengaine sur les ondes, la télé, les journaux : « Il n’y pas de crise de la dette publique en Europe, et s’il y a une crise c’est de la faute des marchés et des agences de notation. » Dernier raffinement, si on peut dire, entendu ce matin sur France Culture, celui d’un économiste (il est interdit de sourire) de l’O.F.C.E : «  Il n’y a qu’à (notez le YAQUA !) dire que l’Europe garantit l’ensemble des déficits de la zone Euro » En oubliant de préciser que cela suppose une réforme des traités et que les Allemands, de la CDU au SPD, y sont opposés. Du grand n’importe quoi !

Mais arrêtons-nous quelques instants sur ces marchés présentés comme la source de tous nos problèmes. Que représentent-ils en effet sinon des circuits de collecte du fruit du travail de millions de travailleurs qui comptent sur cette épargne pour améliorer leur retraite ou faire face aux difficultés de la vie. Voudrait-t-on nous dire qu’ils devraient accepter d’y renoncer, par la relance de l’inflation et des prélèvements confiscatoires sur leurs assurances vie, notamment, que nos dirigeants politiques irresponsables ne s’y prendraient pas autrement ?

Qui ne voit pourtant que cette crise de la dette est aussi une crise de notre démocratie. Une démocratie qui se moque comme d’une guigne de la gestion de nos finances publiques. Une démocratie et des citoyens toujours prêts à se jeter dans les bras de marchands de promesses qui depuis trop longtemps dressent des montagnes de dettes.

Mais ce temps est fini. Tant mieux ! Le moment est enfin venu de demander des comptes aux sortants comme aux candidats supposés différents. Nous avons besoin de responsables politiques modernes. De ceux qui osent dire la vérité des faits, de ceux pour qui la politique ne se résume pas au bluff permanent.

Si les marchés doivent être rappelés à la raison, les politiques aussi !

Petit hommage à Jean Claude Pirotte.


Deux pleines pages du supplément«Livres et Idées» de La Croix – du jeudi, vendredi 10 et 11 novembre 2011 – sont consacrées, si j’ose dire, à Jean Claude Pirotte. C’est Antoine Perraud qui les signe. Deux pages émouvantes où se mêlent admiration et empathie. Admiration du prosateur et du poète au chant si simple et si sincère. Empathie pour un homme qui n’en finit pas de guérir d’un terrible cancer.

Un poème, ce matin…

   

« Je suis prêt à affirmer que c’est dans le langage que réside le mystère »

 

Mes lectures

 

Pourtant il nous reste encore à célébrer
comme tu le fais
Célébrer ce qui, jailli d’entre nous
tend encore vers la vie ouverte
Ce qui d’entre les chairs meurtries, crie mémoire
Ce qui, d’entre les sangs versés, crie justice
Seule voie en vérité où nous pourrions encore
honorer les souffrants et les morts

Chacun de nous est finitude
L’infini est ce qui naît d’entre nous
fait d’inattendus et d’inespérés
Célébrer l’au-delà du désir, l’au-delà de soi
Seule voie en vérité où nous pourrions encore
tenir l’initiale promesse
Célébrer le fruit, plus que le fruit même
mais la saveur infinie
Célébrer le mot, plus que le mot même
mais l’infinie résonance
Célébrer l’aube des noms réinventés
Célébrer le soir des regards croisés
Célébrer la nuit au visage émacié
Des mourants qui n’espèrent plus rien
mais qui attendent tout de nous
En nous l’à-jamais-perdu
Que nous tentons de retourner en offrande
Seule voie où la vie s’offrira sans fin
paumes ouvertes

François Cheng, A l’orient de tout, Œuvres poétiques, Poésie/Gallimard, 2010, p 322